Justin Duburgua
(8 août 1780 à Bordeaux-5 janvier 1803 au Cap à Saint-Domingue)

Justin était le fils de Pierre-François Duburgua, Maître chirurgien et accoucheur des femmes pauvres de la ville d'Aiguillon, et de son épouse Marguerite Tartas.
Les Duburgua étaient une famille de notables des environs d'Aiguillon ; on y trouvait des prêtres de la paroisse Saint-Félix, un notaire royal à Granges, un huissier royal à Prayssas, des Maîtres chirurgiens, un procureur du sénéchal d'Aiguillon ... Voir une généalogie simplifiée en bas de page.
En 1793, Justin Duburgua, âgé treize ans, souhaita combattre dans les armées de la République, comme en témoigne le document ci-dessous. Cette affiche était destinée à porter à la connaissance du public une décision du Conseil du département de Lot et Garonne. Elle provient du RECUEIL D'AFFICHES : CHRONIQUE DE LA REVOLUTION EN LOT ET GARONNE, 1788-AnVIII, édité par le service éducatif des archives départementales de Lot-et-Garonne publié en mars 1989.

En voici le texte :

ARRÊTÉ
DU CONSEIL DU DÉPARTEMENT
DE LOT ET GARONNE,
Relatif au citoyen Justin DUBURGUA.
Séance publique du 12 octobre 1793, l'an second de la République, une & indivisible.

Le citoyen Petit-Jean, commissaire des guerres en activité dans ce département, a présenté à l'administration le citoyen Justin Duburgua, domicilié à Aiguillon, dans le district de Tonneins-la-Montagne, département de Lot & Garonne. Ce citoyen, âgé de treize ans, avait écrit à la Convention nationale, pour demander à être admis au nombre des défenseurs de la République.
Le ministre de la guerre, sur le renvoi qui lui avait été fait de la pétition du citoyen Justin Duburgua, a applaudi, par sa lettre du 17 septembre dernier, aux sentiments civiques de ce jeune patriote ; &, dans le cas où les forces physiques de ce jeune citoyen pourraient seconder son courage, il a consenti qu'il se rendît au premier bataillon des chasseurs nationaux, où son frère sert en qualité de lieutenant.
Justin Duburgua dépose sur le bureau un diplôme qui lui a été délivré par la société des Sans-culotte d'Aiguillon, dont ce jeune citoyen, qui en est membre, fait l'admiration depuis deux ans. Il exhibe une route qui lui a été expédiée par le commissaire des guerres, pour se rendre à Toulouse.
Le conseil du département, applaudissant, à son tour, au dévouement civique de Justin Duburgua, & à ses sentiments si énergiquement exprimés, qui, dans un âge si tendre, sont tout-à-la-fois l'éloge de son cœur & de son amour pour la patrie, a unanimement délibéré que l'administration ferait présent d'un sabre à ce jeune républicain.
De suite, le vice-président, au nom de l'administration, a armé Justin Duburgua d'un sabre, pour défendre la liberté ; &, après avoir donné le baiser fraternel au jeune citoyen : " Allez, lui a dit le vice-président, allez au champ de l'honneur & de la victoire ; allez combattre les ennemis de la République une & indivisible ; allez montrer aux tyrans, que l'amour de la Patrie supplée les années, &forme le vrai courage. Et que, par vous, la République entière connaisse que les habitants de Lot & Garonne sont dignes de la liberté ".
" Je me suis dévoué à ma patrie, a dit Justin Duburgua ; j'espère de vivre & de mourir pour elle ; je jure de n'employer mon sabre, que dans les combats de la Liberté contre le despotisme & ses partisans ".
Tous les membres de l'administration ont individuellement donné le baiser fraternel à Justin Duburgua.
LE CONSEIL, considérant qu'il importe à la propagation de l'esprit public, que le patriotisme qui anime le jeune Justin Duburgua soit connu ;
Qu'il est de son devoir de faire partager, autant qu'il est en lui, à ses administrés le ravissement dont il a été saisi en cette scène intéressante :
Arrête que le présent extrait du procès verbal de cette séance sera imprimé ; qu'il sera délivré au citoyen Justin Duburgua ; qu'il sera envoyé à la Convention nationale, au ministère de la guerre, à toutes les armées de la République, au premier bataillon des chasseurs nationaux, & particulièrement au citoyen Duburgua, lieutenant dans ce bataillon ; aux districts & municipalité de ce département, pour être publié et affiché ; & à toutes les sociétés des Sans-culotte du département de Lot & Garonne.
FAIT en conseil du département, les jour, mois & an susdits.
Signé : BRESCON, vice-président ; LAPEYSSONNIE, BIDOU, BIERS, SUILHAGON, COUTENSEAU, PRADELLES, TAUZAC, LASSORT, CHAPELLE, DUVIGNAU, JAUZENQUE, DELBOURG ; & SENBAUZEL, procureur-général-syndic.

A AGEN, chez la Veuve Noubel & Fils aîné ; Imprimeur du Département, & Libraires, rue Garonne, N.os 2 & 3 - 1793.

***

Après quelques études de pharmacie à Montpellier, il fut enrôlé dans l'armée des Pyrénées Orientales, à La Jonquière le 1er germinal an III (21 mars 1795). Blessé, fait prisonnier puis libéré, il fut enrôlé dans l'armée d'Italie le 20 ventôse an IV (10 mars 1796) comme pharmacien de 3e classe à Plaisance puis Milan. Il voudrait combattre : "Moi aussi je voulais attirer sur ma tête un rayon de gloire… Le sang des soldats de l'aigle viendra rougir mon bras. Sur un tas de morts je mériterai le poste dont vous aurez daigné m'honorer" écrit-il dans une lettre du 18 germinal an V (7 avril 1797).
En juillet 1798, Duburgua fut envoyé en mission à Cérigo (Cythère, à la pointe du Péloponnèse) sur une frégate française, et fut blessé lors d'une altercation avec une frégate anglaise au large de Corfou. Blessure à la jambe gauche, sérieuse, au vu du rapport du chirurgien de l'hôpital de Corfou: "fracture compliquée de la jambe gauche, qui a été suivie de gangrène… à la suite d'une plaie d'arme à feu reçue sur un brick français dans un combat avec une frégate anglaise, lorsqu'il se rendait à Cérigo pour le service."
En Italie, il se remit aux études "dévoré de l'amour des sciences", devint l'ami et le disciple de Spallanzani (biologiste), Fontana (mathématicien), Barattieri (savant physicien), et membre de l'Académie royale de Plaisance.
Atteint d'un début de phtisie, il quitta l'armée le 7 thermidor an IX (26 juillet 1801).
Revenu en France, il reprit des études scientifiques. Il a laissé deux ouvrages : 1° Le Newtonianisme de l'amitié. Lettres philosophiques sur la lumière et les couleurs. (Paris, 1803, in-8°) à consulter sur la toile ICI et 2° Traité de Physique mise à la portée de tout le monde, avec un éloge du comte Barratieri, et un Essai sur les sensations de l'odorat et du goût.

Le 3 messidor an X (22 juin 1802), il embarqua pour Saint-Domingue dans le corps expéditionnaire de répression contre Toussaint Louverture, commandé par le général Leclers, comme pharmacien de 2e classe. Débarqué le 6 frimaire an XI (27 novembre 1802), il mourut de la fièvre jaune qui décimait l'armée, au Cap, le 15 nivôse an XI (5 janvier 1803).
A consulter également sur la toile, ICI : Notice sur la vie et les ouvrages de Justin Duburgua par M. Saint-Amans, publié dans le Recueil des travaux de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Agen au cours de l'an XII, pages 56 à 60.
A voir aussi l'excellent site de Sylvie Lécuyer qui évoque Justin Duburgua dans son travail sur Gérard de Nerval.
Justin Duburgua avait étudié au collège d'Agen en même temps qu'Etienne Labrunie devenu médecin militaire et qui fut le père de Gérard de Nerval [Gérard Labrunie].
Ce dernier s'est inspiré de Justin Duburgua pour son personnage de Dubourjet dans Un roman à faire.

Le colonel Guillaume-Charles DUBURGUA, petit neveu de Justin, est l'auteur d'un Mémoire manuscrit sur l'histoire d'Aiguillon, Mémoire dont l'Abb é Alis dit s'être beaucoup inspiré pour son Histoire d'Aiguillon.


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