Justin était le fils de Pierre-François
Duburgua, Maître chirurgien et accoucheur des femmes pauvres
de la ville d'Aiguillon, et de son épouse Marguerite Tartas.
Les Duburgua étaient une famille de notables des environs
d'Aiguillon ; on y trouvait des prêtres de la paroisse Saint-Félix,
un notaire royal à Granges, un huissier royal à Prayssas,
des Maîtres chirurgiens, un procureur du sénéchal
d'Aiguillon ... Voir une généalogie simplifiée
en bas de page.
En 1793, Justin Duburgua, âgé treize ans, souhaita
combattre dans les armées de la République, comme
en témoigne le document ci-dessous. Cette affiche était
destinée à porter à la connaissance du public
une décision du Conseil du département de Lot et Garonne.
Elle provient du RECUEIL D'AFFICHES : CHRONIQUE DE LA REVOLUTION
EN LOT ET GARONNE, 1788-AnVIII, édité par le service
éducatif des archives départementales de Lot-et-Garonne
publié en mars 1989.

En voici le texte :
ARRÊTÉ
DU CONSEIL DU DÉPARTEMENT
DE LOT ET GARONNE,
Relatif au citoyen Justin DUBURGUA.
Séance publique du 12 octobre 1793, l'an second de la République,
une & indivisible.
Le citoyen Petit-Jean, commissaire
des guerres en activité dans ce département, a présenté à l'administration
le citoyen Justin Duburgua, domicilié à Aiguillon,
dans le district de Tonneins-la-Montagne, département de
Lot & Garonne. Ce citoyen, âgé de treize ans, avait écrit
à la Convention nationale, pour demander à être admis au nombre
des défenseurs de la République.
Le ministre de la guerre, sur le renvoi qui lui avait été fait de
la pétition du citoyen Justin Duburgua, a applaudi, par sa
lettre du 17 septembre dernier, aux sentiments civiques de ce jeune
patriote ; &, dans le cas où les forces physiques de ce jeune citoyen
pourraient seconder son courage, il a consenti qu'il se rendît au
premier bataillon des chasseurs nationaux, où son frère sert en
qualité de lieutenant.
Justin Duburgua dépose sur le bureau un diplôme qui lui a
été délivré par la société des Sans-culotte d'Aiguillon,
dont ce jeune citoyen, qui en est membre, fait l'admiration depuis
deux ans. Il exhibe une route qui lui a été expédiée par le commissaire
des guerres, pour se rendre à Toulouse.
Le conseil du département, applaudissant, à son tour, au dévouement
civique de Justin Duburgua, & à ses sentiments si énergiquement
exprimés, qui, dans un âge si tendre, sont tout-à-la-fois l'éloge
de son cœur & de son amour pour la patrie, a unanimement délibéré
que l'administration ferait présent d'un sabre à ce jeune républicain.
De suite, le vice-président, au nom de l'administration, a armé
Justin Duburgua d'un sabre, pour défendre la liberté ; &,
après avoir donné le baiser fraternel au jeune citoyen : " Allez,
lui a dit le vice-président, allez au champ de l'honneur & de la
victoire ; allez combattre les ennemis de la République une & indivisible
; allez montrer aux tyrans, que l'amour de la Patrie supplée les
années, &forme le vrai courage. Et que, par vous, la République
entière connaisse que les habitants de Lot & Garonne sont dignes
de la liberté ".
" Je me suis dévoué à ma patrie, a dit Justin Duburgua ;
j'espère de vivre & de mourir pour elle ; je jure de n'employer
mon sabre, que dans les combats de la Liberté contre le despotisme
& ses partisans ".
Tous les membres de l'administration ont individuellement donné
le baiser fraternel à Justin Duburgua.
LE CONSEIL, considérant qu'il importe à la propagation de l'esprit
public, que le patriotisme qui anime le jeune Justin Duburgua
soit connu ;
Qu'il est de son devoir de faire partager, autant qu'il est en lui,
à ses administrés le ravissement dont il a été saisi en cette scène
intéressante :
Arrête que le présent extrait du procès verbal de cette séance sera
imprimé ; qu'il sera délivré au citoyen Justin Duburgua ;
qu'il sera envoyé à la Convention nationale, au ministère de la
guerre, à toutes les armées de la République, au premier bataillon
des chasseurs nationaux, & particulièrement au citoyen Duburgua,
lieutenant dans ce bataillon ; aux districts & municipalité de ce
département, pour être publié et affiché ; & à toutes les sociétés
des Sans-culotte du département de Lot & Garonne.
FAIT en conseil du département, les jour, mois & an susdits.
Signé : BRESCON, vice-président ; LAPEYSSONNIE, BIDOU, BIERS,
SUILHAGON, COUTENSEAU, PRADELLES, TAUZAC, LASSORT, CHAPELLE, DUVIGNAU,
JAUZENQUE, DELBOURG ; & SENBAUZEL, procureur-général-syndic.
A AGEN, chez la Veuve
Noubel & Fils aîné ; Imprimeur du Département, & Libraires, rue
Garonne, N.os 2 & 3 - 1793.
***
Après quelques études
de pharmacie à Montpellier, il fut enrôlé dans
l'armée des Pyrénées Orientales, à La
Jonquière le 1er germinal an III (21 mars 1795). Blessé,
fait prisonnier puis libéré,
il fut enrôlé dans l'armée d'Italie le 20 ventôse
an IV (10 mars 1796) comme pharmacien de 3e classe à Plaisance
puis Milan. Il voudrait combattre : "Moi aussi je voulais
attirer sur ma tête un rayon de gloire… Le sang des soldats de l'aigle
viendra rougir mon bras. Sur un tas de morts je mériterai le poste
dont vous aurez daigné m'honorer" écrit-il dans une lettre
du 18 germinal an V (7 avril 1797).
En juillet 1798, Duburgua fut envoyé en mission à Cérigo (Cythère,
à la pointe du Péloponnèse) sur une frégate française, et fut blessé
lors d'une altercation avec une frégate anglaise au large de Corfou.
Blessure à la jambe gauche, sérieuse, au vu du rapport du chirurgien
de l'hôpital de Corfou: "fracture compliquée de la jambe gauche,
qui a été suivie de gangrène… à la suite d'une plaie d'arme à feu
reçue sur un brick français dans un combat avec une frégate anglaise,
lorsqu'il se rendait à Cérigo pour le service."
En Italie, il se remit aux études "dévoré de l'amour des sciences",
devint l'ami et le disciple de Spallanzani (biologiste), Fontana
(mathématicien), Barattieri (savant physicien), et membre
de l'Académie royale de Plaisance.
Atteint d'un début de phtisie, il quitta l'armée le
7 thermidor an IX (26 juillet 1801).
Revenu en France, il reprit des études scientifiques. Il
a laissé deux ouvrages : 1° Le Newtonianisme de l'amitié. Lettres
philosophiques sur la lumière et les couleurs. (Paris, 1803,
in-8°) à consulter sur la toile ICI
et 2° Traité de Physique mise à la portée de tout le monde, avec
un éloge du comte Barratieri, et un Essai sur les sensations
de l'odorat et du goût.

Le 3 messidor an X (22 juin 1802),
il embarqua pour Saint-Domingue dans le corps expéditionnaire de
répression contre Toussaint Louverture, commandé par le général
Leclers, comme pharmacien de 2e classe. Débarqué le 6 frimaire an
XI (27 novembre 1802), il mourut de la fièvre jaune qui décimait
l'armée, au Cap, le 15 nivôse an XI (5 janvier 1803).
A consulter également sur la toile,
ICI : Notice sur la vie et les ouvrages de Justin
Duburgua par M. Saint-Amans, publié dans le Recueil
des travaux de la Société d'Agriculture, Sciences
et Arts d'Agen au cours de l'an XII, pages 56 à 60.
A voir aussi l'excellent site de Sylvie
Lécuyer qui évoque Justin Duburgua dans
son travail sur Gérard de Nerval.
Justin Duburgua avait étudié au collège d'Agen
en même temps qu'Etienne Labrunie devenu médecin militaire
et qui fut le père de Gérard de Nerval [Gérard
Labrunie].
Ce dernier s'est inspiré de Justin Duburgua pour son personnage
de Dubourjet dans Un roman à faire.
Le colonel Guillaume-Charles DUBURGUA,
petit neveu de Justin, est l'auteur d'un Mémoire manuscrit
sur l'histoire d'Aiguillon, Mémoire dont l'Abb é
Alis dit s'être beaucoup inspiré pour son Histoire
d'Aiguillon.