Emmanuel-Armand de Vignerot (1720-1788),
duc d'Aiguillon, ministre de Louis XV
(Page mise à jour le 17/09/2022)

Son blason :
"D'argent à la croix
de gueules qui est de Gênes, à l'écusson
d'argent chargé de trois chevrons de gueules brochant
au centre de l'écu qui est de du Plessis de Richelieu,
surmontés d'un lambel de gueules"
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Portrait par d'Estrée et Callet
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Le blason de son carrosse,
exposé au Musée Paul Dupuy de Toulouse
avec peut-être, au
dessus, la couronne ducale,
et en dessous, la croix de l'ordre de Saint-Louis.
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Biographie chronologique
d'après : Le duc d'Aiguillon par Lucien
Laugier et Le duc d'Aiguillon par Alain
Paraillous
Enfance et adolescence (1720-1740)
Né le 31 juillet 1720 d'Armand-Louis
de Vignerod comte d'Agenois [il n'obtiendra le titre
de duc d'Aiguillon et pair qu'en 1738, grâce à l'intervention
de la Princesse
de Conti auprès de Louis XV] et d'Anne-Charlotte
de Crussol, dans leur hôtel particulier, rue de l'Université
à Paris [détruit lors du percement du Boulevard Saint-Germain]
; baptisé le 1er août à Saint-Sulpice, église à
laquelle, sur ses vieux jours, il fit don d'une chaire
monumentale.
Il ne possédait encore aucun titre et on le nommait Monsieur d'Agenois.
Il fit de bonnes études chez les jésuites de Louis le Grand ce
qui lui permit, par la suite, de se passer de secrétaire, rédigeant
lui-même son courrier sans fautes.
Le 11 mai 1737 il entra à 16 ans aux Mousquetaires du Roi moyennant
un droit d'entrée très élevé et un coûteux équipement ; un an
après il était lieutenant.
Deux ans après il obtint, grâce à l'entregent de la Princesse
de Conti, amie d'enfance de son père et à la vénalité des charges
militaires, le régiment de Brie : le voilà colonel.
Le 7 janvier 1740, il épousa Louise-Félicité
de Plélo, orpheline de 15 ans. Elle fut toujours aux
côtés de son mari malgré ses infidélités. Quelques mois après
le mariage il prit pour maîtresse Mme de la Tournelle qui fut
ensuite celle de Louis XV.
L'Italie (1743-1750)
[Voir au bas de cette
page une hypothèse du duc de Castries sur la présence
de M. d'Agenois en Italie]
En 1743, la France alliée à l'Espagne, entra en
guerre contre le roi de Sardaigne allié de l'Autriche [La France
est encore l'ennemie de l'Autriche et ne s'alliera avec elle qu'en
1756]. Le 1er octobre l'ordre fut donné de franchir les Alpes.
Emmanuel-Armand passa tout l'hiver à chercher un passage vers
les vallées italiennes.

Carte aproximative des lieux cités dans ce paragraphe (la
frontière est l'actuelle)
Au printemps 1744, le Prince de
Conti, à la tête de l'armée française à laquelle participait le
régiment de Brie commandé par d'Agenois, passe par Saint-Véran
et le col Agnel en direction de Château Dauphin [Casteldelfino
à 100 km au nord de Nice] qui est pris à Charles Emmanuel, roi
de Sardaigne, le 19 juillet, après de furieux combats. La brigade
[La Brigade est l'échelon au-dessus du Régiment]
de Poitou s'y couvrit de gloire et M. d'Agenois qui la commandait
fut blessé à la tête.
Pour leur couper la route de Coni [Cuneo], Charles Emmanuel contre-attaqua
le 18 août, mais échoua et subit de fortes pertes face à la brigade
de Poitou menée par d'Agenois, malgré sa tête pansée. Il fut à
nouveau blessé au cours du combat.
Une autre colonne ayant passé les Alpes plus au sud s'était emparée
de Demonte non loin de la ville de Coni, qui se trouvait ainsi
doublement menacée.
Louis XV craignant que son armée se trouvât coupée de ses arrières
par les neiges précoces, ordonna de faire sauter les fortifications
de Demonte puis de rentrer en France.
D'Agenais y avait gagné la dignité de Chevalier de l'Ordre de
Saint-Louis, visible sur son blason, et le grade de Brigadier
d'infanterie, à 24 ans.
Voir en bas de page la description de la prise de Château-Dauphin
par Voltaire dans Le Siècle
de Louis XV
L'année suivante, en
1745, les franco-espagnols envahirent le comté de Nice et le Piémont
; d'Agenois fut de tout les combats et occupa Asti ; l'armée hiverna
entre Asti, Casale et Alexandrie. Le 17 février 1746 un armistice
fut signé. En réaction, Marie-Thérèse d'Autriche envoya 30 000
hommes à marche forcée reprendre Asti. D'Aiguillon fut fait prisonnier,
mais, libéré sur parole, il dut se retirer, interdit de combattre
jusqu'à ce qu'il soit échangé contre un autrichien de même grade.
Il se retrouva inactif entre Paris et Veretz, tandis que les Autrichiens
reprenaient Gènes et Nice, arrêtés de justesse sur l'Argens.
Il ne put reprendre le combat qu'en juin 1747 aux côtés du maréchal
de Richelieu [son petit cousin] qu'il rejoignit à
Toulon. Ils embarquèrent direction Gènes qui s'était révoltée
et libérée des Autrichiens. Le 25 mars 1748, l'objectif était
de prendre Savone. Pendant que Richelieu cheminait par la terre,
d'Agenois faisait voile par mer. Ils firent beaucoup de prisonniers
mais ne purent prendre la forteresse de Savone faute d'artillerie.
Le 17 octobre, la paix était revenue et d'Agenois reçut l'autorisation
de rajouter " Noble Génois " à ses autres titres, et cette distinction
figure sur son blason représenté en haut de cette
page.
Il apprit alors la naissance de sa fille Innocente-Aglaé.
Le 5 février 1750, après la mort de son père, il hérita du titre
de duc d'Aiguillon et pair.
Le guêpier Breton (1753-1769)
En 1753, le duc d'Aiguillon acheta pour 600 000
livres la charge de Lieutenant Général de Bretagne et du Comté
Nantais, au duc de Chaulnes, avec l'accord du Roi et à condition
qu'il résidât en permanence dans la province. D'Aiguillon arriva
à Rennes en septembre 1753 peu après Le Bret, le nouvel intendant,
ne se doutant pas des difficultés qui l'attendaient, malgré un
accueil favorable du fait que son épouse de Plélo fût de vieille
noblesse bretonne.
Depuis le 15 août 1532, date de réunion de la Bretagne au royaume
de France, les États de Bretagne devaient donner leur consentement
à toute levée d'impôt. Les trois ordres y étaient représentés
et se réunissaient les années paires.
Le Parlement, outre ses fonctions judiciaires, faisait traîner
par de longues délibérations l'enregistrement des décisions royales
qui ne pouvaient être exécutées sans son accord.
D'Agenois consacra les premiers mois à inspecter l'immensité des
côtes pour se préparer à une éventuelle invasion par la flotte
anglaise. Il fit un triple constat : pas de réseau routier praticable
permettant un déplacement de troupes, la troupe des gardes côtes
recrutée localement quelques jours par an était mal armée, mal
entraînée et l'artillerie, sous les ordres de la Marine lui échappait.
Il établit alors un vaste programme de routes reliant ente elles
toutes les régions, mais 16 ans plus tard, au moment de son départ
les travaux ne seront pas encore terminés, retardés par les tergiversations
des États qui rechignaient à financer les travaux, alors que le
développement du réseau routier allait s'avérer bénéfique aux
échanges commerciaux dans la province..
Pour garder les côtes, il organisa une milice de 10 000 hommes,
rétribués par le Roi et entrainés par des gentilshommes Bretons
ayant servi dans l'armée.
Il fallut l'intervention du Roi auprès de la Marine pour que le
duc d'Aiguillon pût disposer des canons.
A l'ouverture des États de 1754 à Saint-Malo, d'Aiguillon obtint
un succès en sortant adroitement de sa poche l'ordre que le Roi
lui avait donné un an avant, de libérer tous les punis de 1752.
Les États furent clôturés après beaucoup de problèmes pour le
vote de l'impôt du vingtième, les autres impositions étant acceptées.
Le 6 décembre 1756, au moment de l'ouverture des États à Rennes,
la France était en guerre [la guerre de sept ans contre l'Angleterre
et la Prusse] et le ministère réclama deux vingtièmes. Refus immédiat
des États.
Le Parlement intervint, comme à Paris, à Rouen et à Bordeaux pour
refuser d'enregistrer les décisions royales.
Le choc de la nouvelle de l'attentat de Damiens calma un peu les
esprits et d'Aiguillon parvint à obtenir un compromis au sujet
des deux vingtièmes en accordant une diminution de 200 000 livres.
S'ensuivit la discussion d'un plan complexe pour la construction
des voies de communication et la clôture de la session se fit
le 15 février 1757.
En 1758, la guerre avec les Anglais semblait inévitable, mais
on ne savait pas où ils comptaient débarquer. Heureusement, l'amélioration
des routes permettait de déplacer rapidement les troupes chargées
de la défense de la Bretagne. En septembre, les ennemis commencèrent
à débarquer aux environs de Saint-Malo.
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Saint-Cast
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Belle-Île
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D'Aiguillon réagit en acheminant
ses troupes autour de Saint-Cast. Le 11 septembre 1758, les navires
Anglais furent bombardés tandis que les Français descendaient sur
les plages, commandés par d'Aiguillon depuis une hauteur située
entre deux moulins. Ce fut un carnage, 4 000 anglais tués ou noyés,
900 prisonniers dont 40 officiers de haut rang, bien traités sur
ordre d'Aiguillon qui les convia à un banquet. Côté Français, 200
tués et beaucoup de blessés, soignés en retrait de la côte à Matignon,
y compris les blessés Anglais. Le duc reçut les félicitations du
Roi, du Dauphin, de Bernis, de Madame de Pompadour et un Te Deum
fut chanté à Notre-Dame. Cela suscita la jalousie des généraux Soubise
et Clermont battus par les Prussiens à Rossbach le 5 novembre 1757
et à Crefeld le 23 juin 1758. Ils firent courir le bruit que pendant
les combats, contrairement à ce que dit un témoin oculaire, Rioust
des Villes-Audrains, d'Aiguillon serait resté caché dans un moulin
à lutiner la meunière et une chanson circula pour le calomnier :
Couvert de farine et de gloire
De Saint-Cast héros trop fameux,
Sois plus modeste en ta victoire,
On peut d'un souffle dangereux,
Te les enlever toutes deux.
Au contraire, les Bretons lui rendirent hommage
par ce quatrain :
Tout rang, tout sexe, tout âge
Pousse en chœur sur ton passage
Ce cri cher du Breton,
Vive le duc d'Aiguillon.
A la suite de ce succès, on envisagea de lui confier
le commandement d'une armée qui débarquerait sur les côtes Anglaises
pour envahir de ce pays.
Les États allaient s'ouvrir à Saint-Brieuc avec toujours les mêmes
contestations concernant le prélèvement des impôts. Une réduction
de 400 000 livres leur fut accordée compte tenu de la misère qui
régnait en Bretagne et le trésor royal prit à sa charge l'indemnisation
des biens détruits par les Anglais.
En 1759, d'Aiguillon qui venait d'être nommé Lieutenant Général
des armées royales se consacra à la préparation de la flotte d'invasion
des îles britanniques. Mais il rencontra la résistance du maréchal
de Conflans, commandant l'escadre du Ponant qui entendait garder
l'initiative des opérations et il dut lui dévoiler tous les détails
du plan. La flotte Française devait se rassembler dans la rade
du Morbihan, Quiberon étant le quartier général.
Mais l'affaire débuta mal par la destruction de l'escadre du Levant,
partie de Toulon et interceptée par les Anglais près de Lagos
au sud du Portugal.
Le 22 novembre on apprit que l'escadre du Ponant, venant de Brest
avait été mise à mal par les Anglais au sud de Saint-Gildas de
Rhuys et cela marqua la fin du projet d'invasion, les Anglais
étant maintenant en supériorité numérique.
L'ouverture des États de 1760 se fit dans l'euphorie, une délégation
alla saluer la duchesse d'Aiguillon et comme elle attendait un
joyeux événement, la félicita et proposa d'adopter l'enfant. Cela
se gâta lorsque commencèrent les discussions sur les impôts. D'Aiguillon,
pris en tenaille entre le ministère qui exigeait une forte augmentation
et les États qui s'y opposaient, découragé, écrivit à Mme de Pompadour
pour qu'elle fît agréer sa démission mais elle l'en dissuada.
La noblesse Bretonne proposa de s'acquitter des impôts par un
emprunt remboursable en 4 annuités. D'Aiguillon céda.
Le 7 juin 1761, les Anglais prirent Belle-Isle. Pourtant, d'Aiguillon,
dès 1758, avait fait renforcer les défenses sur la côte Est, installé
une garnison de 3700 hommes commandés par le Chevalier de Sainte-Croix
et largement approvisionnée en vivres et munitions pour pouvoir
soutenir un long siège. Le 7 avril, les Anglais tentèrent de débarquer
à l'est mais échouèrent avec de lourdes pertes. D'Aiguillon en
profita pour réapprovisionner la garnison. Nouvelles attaques
le 22 avril et le 1er mai qui permirent à l'ennemi de s'implanter
sur l'île. La lassitude finit par gagner Sainte-Croix, il capitula
le 7 juin ; au grand étonnement d'Aiguillon, Louis XV ne lui en
tint pas rigueur et curieusement le nomma maréchal de Camp.
Inversement, une cabale menée par Choiseul, ennemi d'Aiguillon,
faisait porter la responsabilité de l'échec à d'Aiguillon, qui
n'aurait pas apporté un soutien suffisant aux assiégés, alors
que l'inventaire dressé par les Anglais après la prise de Belle-Isle
montra qu'il y restait une grande quantité de toutes sortes de
munitions inutilisées.
Aux États de 1762, les discussions sur les impôts passèrent au
second plan à cause d'un conflit avec le Parlement qui décida
d'expulser les Jésuites de toutes les écoles et collèges de Bretagne,
à l'initiative du procureur général Louis René de Caradeuc de
la Chalotais. Voltaire ne disait-il pas ? : "je vous remercie
de proscrire l'étude chez les laboureurs. Moi qui cultive la terre,
je vous présente requête pour avoirdes manœuvres et non des clercs
tonsurés ".
Les États, au contraire, voulaient conserver leurs écoles. D'Aiguillon
décida de rester neutre dans cette affaire, ce qui n'empêcha pas
ses contemporains de le classer comme l'homme des Jésuites.
La fronde du Parlement de Bretagne n'était pas isolée, partout
en France les Parlements se révoltaient contre les abus de l'autorité
royale. En particulier ils s'opposaient à l'établissement d'un
cadastre qui aurait permis une juste répartition des impôts et
protestaient contre les corvées, pourtant indispensables en Bretagne
pour tracer des voies de communication. D'Aiguillon ne se sentit
pas soutenu par le pouvoir royal et s'adressa directement au roi
pour lui demander d'envoyer un membre de son conseil qui viendrait
contrôler sa gestion. Louis XV se contenta de l'assurer de son
appui.
En 1764, à Nantes, les États et le Parlement se réconcilièrent
pour faire corps contre les demandes du représentant du Roi. Profitant
d'un désaccord entre la Noblesse d'une part et le Clergé et le
Tiers d'autre part, le duc parvint par la ruse à faire adopter
la levée des 700 000 livres demandées par le Ministère des finances.
Exténué, d'Aiguillon partit se reposer à Véretz où il apprit courant
1765 la mort de son ami l'intendant le Bret.
Le Parlement ayant refusé d'enregistrer la levée des impôts indirects,
le roi cassa son arrêt. En réaction, le Parlement démissionna,
soutenu par des Parlements d'autres provinces.
D'Aiguillon s'étant opposé à ce que La Chalotais transmît sa charge
de procureur général à son fils, les relations avec le Parlement
s'envenimèrent. En même temps, le Roi reçut des lettres anonymes
injurieuses dont il fit expertiser l'écriture. On reconnut celle
de La Chalotais, qui fut arrêté et incarcéré avec son fils.
D'Aiguillon partit se reposer à Véretz, Bagnères, Barbotan ...
Avec quelques magistrats restés fidèles et des maîtres des requêtes
envoyés sur place, on reconstitua un Parlement pour expédier les
affaires courantes et juger La Chalotais. Mais ni ce Parlement,
appelé par dérision " bailliage d'Aiguillon ", ni aucun
des Parlements de France, par solidarité de corps, ne voulurent
"connaître de l'affaire".
La Chalotais et son fils furent exilés à Saintes sans être condamnés.
Pour calmer les Bretons, Louis XV rappella d'Aiguillon et rétablit
l'ancien parlement.
En 1768, le duc quitta définitivement la Bretagne pour la Cour,
puis Véretz.
Ne supportant pas l'inaction, en septembre 1769, il postula pour
la charge de capitaine lieutenant de la compagnie des chevau-légers,
laissée vacante par la mort du duc de Chaulnes, et convoitée par
Choiseul pour son neveu ; le Roi trancha en faveur d'Aiguillon
; cela lui coûta 1 200 000 livres mais il pourra transmettre la
charge à son fils. D'Aiguillon n'en avait pas fini avec les Bretons
qui pour se venger, lui intentèrent un procès pour abus de pouvoir
dans l'affaire La Chalotais. Celui-ci pensait se disculper en
faisant condamner le duc d'Aiguillon. Le procès se déroula, à
la demande d'Aiguillon, devant le Parlement de Paris ; il dura
deux ans et se termina par un coup de force du Roi à l'encontre
du Parlement : arrêt du cours de la procédure stoppant toute accusation
contre d'Aiguillon mais ne le disculpant pour autant, envoi en
exil des membres du parlement pour quatre ans.
D'Aiguillon ministre (1771-1774)
Choiseul, congédié pour désaccord avec le Roi
qu'il voulait pousser à la guerre aux côtés de l'Espagne contre
l'Angleterre, et exilé à Chanteloup en 1770, d'Aiguillon faisait
partie des prétendants à sa succession.
Mme du Deffand écrivait : " Le tyran breton le deviendra de
toute l'Europe, cela veut dire qu'il aura les affaires étrangères ".
Voltaire dit : " Nomme-t-on toujours le duc d'Aiguillon ? on
peut être très entaché par le Parlement et bien servir le Roi
".
En juin 1771, le triumvirat qui allait gouverner la France fut
constitué de Maupeou, Terray et d'Aiguillon. Les courtisans qui
se pressaient autour de Choiseul se précipitèrent maintenant chez
d'Aiguillon. Le 16 juin 1771, les consuls d'Aiguillon font des
réjouissances publiques à la nouvelle de la nomination de Monseigneur
le duc comme Ministre des Affaires Étrangères.
Les chansonniers se déchaînèrent, faisant allusion à l'influence
de la Du Barry
pour l'éviction de Choiseul et dans la nomination du triumvirat
:
" France, quel est donc ton
destin,
D'être soumis à la femelle,
Ton salut vint d'une pucelle,
Tu périras par la catin ".
Il est vrai que d'Aiguillon était un intime
de Madame du Barry et qu'il la "connut" grâce
à son cousin libertin, le Maréchal de Richelieu,
bien avant qu'elle ne fût la maîtresse du Roi.
Pendant son ministère son principal objectif, sur ordre de Louis
XV, fut de ne jamais entrer en guerre.
On lui reprocha à tort de n'avoir pu empêcher en 1772 le partage
de la Pologne entre la Prusse, la Russie et l'Autriche. La Pologne
n'avait pas d'État, son Roi, élu par une diète composée exclusivement
des nobles catholiques qui devaient voter des lois à l'unanimité,
n'avait de ce fait aucun pouvoir. Son armée mal organisée, malgré
les conseils d'officiers français sur le terrain, ne put s'opposer
aux armées étrangères et au dépeçage du pays.
En Suède, depuis 1720, le pouvoir appartenait à la Diète, partagée
entre partisans de la France et partisans de la Russie. La faiblesse
de ce pouvoir incitait Anglais, Russes et Prussiens à lui faire
subir le sort de la Pologne. D'Aiguillon encouragea le nouveau
roi Gustave III à faire un coup d'état pour revenir à un pouvoir
royal fort, comme avant 1720. Il l'aida financièrement : 1 500
000 livres par an, puis après le succès du coup d'état, 2 400
000 livres. Depuis 1768, la Russie était en guerre contre notre
fidèle alliée, la Turquie. La flotte russe passée en Méditerranée
fit le blocus des côtes turques. D'Aiguillon décida d'aider la
Turquie en forçant le blocus pour la ravitailler en vivres et
munitions et lui offrit deux navires, la Ferme et le Flamand.
Malgré cette aide, la Turquie fut vaincue.
Début 1774, d'Aiguillon fut nommé par intérim ministre de la guerre
en remplacement de Monteynard soupçonné de comploter avec Dumouriez
et d'autres contre la gouvernance de Louis XV. C'est d'Aiguillon
qui avait découvert ce complot grâce à ses
réseaux d'espionnage.
De nouvelles fêtes furent célébrées
à Aiguillon à l'occasion de cette nomination.
D'Aiguillon avait selon son souhait, maintenu la paix dans le
Royaume. Il dit : " Je crois que le meilleur moyen de conduire
les hommes et surtout les Français est de les laisser se dégoûter
de leurs idées sans les contredire dans les premiers moments.
Comme il en est peu qui mettent de la suite dans leur conduite,
qui prennent un intérêt réel aux affaires de l'état, ils s'ennuient
bientôt de s'en occuper et ils finissent après avoir bien bavardé,
par se laisser mener par ceux qui ont le malheur de les gouverner
".
Le 10 mai 1774, Louis XV mourut de la petite vérole.
D'Aiguillon remit à Louis XVI la somme de 2 000 000 de livres
que Louis XV mourant lui avait confiée pour la transmettre à
la Du Barry. Il fit ses dernières recommandations aux chefs des
armées et le 2 juin, après le Conseil, il remit la démission de
ses deux charges.
Il revit Louis XVI le 28 décembre 1774 en tant que Lieutenant
Général des Chevau-Légers.
Le 5 juin 1775, sur ordre de Marie-Antoinette il dut partir en
exil à Aiguillon [Louis XVI n'avait pas voulu signet une lettre
de cachet] ; Marie-Antoinette agissait sous l'influence des partisans
de Choiseul et aussi celle des comploteurs dénoncés
par d'Aiguillon ; sa mère, Marie-Thérèse
d'Autriche et son frère l'empereur Joseph II lui reprochèrent
catégoriquement sa conduite, lui demandant de ne se mêler
en rie des affaires du gouvernement et de la monarchie.
L'exil (1775-1785) est raconté dans les
pages Louise-félicité
de Bréhan-Plélo,
Madame Dubarry et Le
château
ducal.
En 1785 il etait très malade et revint
vivre à Paris jusqu'en 1788, où il mourut le 1er
septembre. Avant de mourir, il offrit à l'église
Saint-Sulpice une magnifique chaire.
D'Aiguillon
à la bataille de Château-Dauphin
en Piémont Italien dans LE SIÈCLE
DE LOUIS XV de Voltaire. La prise de Château-Dauphin y
est décrite dans les pages 65 à 69.
***

Marie-Anne de Mailly-Nesle
d'après Nattier
|
Selon le duc de Castries, auteur d'une biographie
de Madame du Barry chez Hachette, le duc d'Agenois se trouvait
en Italie sur ordre de Louis XV. Ce dernier était devenu amoureux
de Marie-Anne de Mailly-Nesle(1), veuve
de Louis de La Tournelle et maîtresse d'Emmanuel-Armand d'Agenois.
Pour en faire sa maîtresse, le Roi commença par éloigner d'Agenois,
puis combla Marie-Anne de cadeaux, lui donna le duché de Châteauroux
ainsi qu'une rente de 86000 livres.
(1)
C'est la ciquième des soeurs de Mailly-Nesle,
arrière petite fille d'Hortense Mancini, laquelle était
aussi l'arrière grand-mère du duc d'Agenois Emmanuel-Armand
de Vignerod du plessis de Richelieu.
Trois de ses soeurs furent également les maîtresses
de Louis XV : Louise-Julie, Pauline-Félicité et
Diane-Adélaïde. Seule Hortense-Félicité
lui résista.
|
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***
D'Aiguillon
en Bretagne dans VIE PRIVEÉE DE LOUIS XV de
Barthélémy-François Mouffle d'Angerville
***
Autre biographie : http://www.cosmovisions.com/D-Aiguillon.htm
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