"Si jamais vous êtes entré dans les parloirs
de l'Hôtel-Dieu de Québec, vous aurez pu remarquer, parmi d'autres
tableaux suspendus aux murs, une gravure antique où l'on reconnaît
facilement le vigoureux burin de Moncornet.
Ce dessin représente le portrait d'une grande dame de la cour de
Louis XIII. Elle est vêtue selon le goût du temps et les usages
de la cour, mais avec une simplicité, une grâce sans recherche,
qui devaient contraster avec les brillants atours, les éclatantes
parures, le luxe extravagant des dames d'honneur de Marie de Médicis.
On ne remarque en effet sur ses vêtements, ni cette profusion de
broderies, de chaînes, de pierreries, ni ces rivières de diamants
sur le corsage et dans les cheveux, ni ces rangées de boutons en
or sur les manches, que les dames nobles recherchaient avec une
telle frénésie qu'il fallut des lois spéciales pour réprimer cet
abus.
Sa robe de couleur obscure n'a d'autre ornement
qu' une frange de dentelle au corsage, s'épanouissant sur les épaules et
aux bras des manchettes dans le même goût. On n'aperçoit aucun bracelet
autour de ses poignets, aucun ; anneau, aucune bague à ses doigts
; le seul luxe qui paraisse est un collier de perles très unies
autour du cou. Un simple bandeau rattache sur le sommet de la tête
sa chevelure dont les boucles abondantes retombent sur ses épaules.
Mais, en revanche, il est rare de rencontrer sur une figure, plus
de distinction, de majesté et de grâce ; dans la pose, dans tout
l'extérieur, plus de noblesse et de grandeur. La tête dont la silhouette
se détache sur les plis d'une draperie relevée d'un côté par les
nœuds d'un cordon à double gland, repose dans une attitude pleine
de dignité sur un buste aux proportions irréprochables. L'œil est
grand, intelligent et fier ; mais le rayon qui s'en échappe est
tempéré par cette sérénité que donnent les pensées graves et les
habitudes religieuses ; les sourcils hauts et gracieusement arqués,
le nez prononcé, un peu aquilin ; les joues arrondies et légèrement
saillantes, la bouche fine, spirituelle, délicate. Le front largement
développé sur les tempes, laisse deviner l'énergie de l'âme, la
fermeté du caractère. Les lèvres demi-sérieuses, demi-souriantes,
répandent sur toute cette physionomie quelque peu hautaine un rayon
de lumière et de douceur qui charme et attire.
On ne peut contempler sans éprouver un sentiment
de respect cette figure sereine, qui reflète avec tant d'éclat les
nobles pensées et les généreuses passions d'une grande âme.
Autour du médaillon on lit ces mots : Très haute et très puissante
Dame Marie de Wignerod, duchesse d'Aiguillon. C'est l'illustre fondatrice
de l'Hôtel-Dieu de Québec."
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Il existe, à quelques centaines
de mètres de l'Hôtel Dieu, une Rue d'Aiguillon, parallèle
à la Rue
Richelieu à Québec et une Place
d'Aiguillon à Montréal. Au sud-est de
Montréal coule la Rivière
Richelieu.
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