Anne Charlotte de Crussol de Florensac d'Aiguillon (1700-1772)
(Page mise à jour le 28/03/2023)

Armes des Crussol de Florensac
Portrait
d'après une carte postale ancienne
(Musée d'Agen)
Portrait ancien d'artiste inconnu, photographié par Philippe Lauzun et reproduit dans la
Revue de l'Agenais du 1er janvier 1914
Armes des Ducs d'Aiguillon

Très cultivée, s'intéressant aux Sciences, parlant quatre langues étrangères, elle tint un Salon littéraire à Paris et fut surnommée l'amie des philosophes et des scentifiques (Les encyclopédistes, Voltaire, Maupertuis, Montesquieu...)
La duchesse d'Aiguillon a traduit diverses œuvres anglaises, notamment de Pope et Macpherson.
Georges Renauld, dans son Armand-Désiré Vignerod du Plessis Richelieu dernier duc d'Aiguillon rapporte les faits qui suivent :
" Lorsque Voltaire sera déféré devant le Parlement pour les Lettres Anglaises elle demandera à la princesse de Conti d'intervenir pour arrêter la procédure. Pour la remercier, Voltaire enverra à Anne-Charlotte des exemplaires de son Charles XII et de l'Henriade accompagnés de ce madrigal amusant :

Henri IV, pour vous, aurait quitté d'Estrées
Et Charles XII aurait connu l'amour.
"

À partir de 1740 elle se lia d'amitié avec Montesquieu et de nombreuses lettres en témoignent. Il fréquenta son salon littéraire dont Mme du Deffand était jalouse car il concurrençait le sien. Avant de mourir, il lui confia le manuscrit des Lettres persanes. Anne-Charlotte assista de jour et de nuit Montesquieu, très malade durant l'hiver 1754 et le jour de sa mort, le 10 février 1755 elle récupéra les écrits du philosophe que le père Routh, jésuite irlandais, tentait de s'approprier. [peut-être dans un but de censure?]
À ce sujet, voir la lettre de la duchesse d'Aiguillon à Monsieur l'abbé de Guasco.

Soucieuse de ses intérêts, la duchesse d'Aiguillon surveillait ses domaines et se rendait souvent en Guyenne, à Aiguillon. Elle en profitait pour faire salon le soir à Bordeaux, ou voir son ami Montesquieu à La Brède.
Elle suivait de très près, à la place de son mari, les nombreux procès à l'encontre du duché d'Aiguillon et stimulait les procureurs et les avocats. Elle faillit se fâcher avec son grand ami, propriétaire de vignes à Clairac, qui était en procès avec le duc d'Aiguillon, Armand-Louis de Vignerod. Voir la lettre que Montesquieu écrivait à Monsieur l'abbé de Guasco, dans laquelle il évoquait cette affaire.

Son mari, Armand-Louis de Vignerod épousé le 22 aôut 1718, très proche de la princesse de Conti [il lui avait fait construire un petit pavillon dans le parc de Veretz où elle venait habiter], est également homme de lettres, membre de l'Académie des Sciences puis Duc d'Aiguillon en 1731 grâce à l'intervention de la princesse auprès de Louis XV.

Saint-Simon, dans ses Mémoires évoque son mariage, Tome X, année 1718, page 46, Edition Hachette 1878 :

"Le comte d'Agenois, fils du marquis de Richelieu, épousa Mlle de Florensac, presque aussi belle que sa mère, qui était de Saint-Nectaire. Son père était frère du duc d'Uzès, gendre du duc de Montausier. Elle n'avait plus ni l'un ni l'autre. Ces mariés ont fait depuis du bruit dans le monde : lui par ses charmes, dont les intrigues de Mme la princesse de Conti, sœur de monsieur le Duc, ont récompensé les longs services et très-publics, de l'usurpation juridique de la dignité de duc et pair d'Aiguillon, sans cour ni service de guerre ; elle, par l'art de gagner force procès, de faire une riche maison et de dominer avec empire sur les savants et les ouvrages d'esprit, qu'elle a accoutumés à ne pouvoir se passer de son attache, et les compagnies les plus recherchées à l'admirer, quoique assez souvent sans la comprendre."

Voici ce que Saint-Simon dit de la beauté de sa mère dans ses Mémoires, Tome III, Chapitre XV, année 1705, pages 181-182, Edition Hachette 1878 :

 

Madame du Deffand qui se disait son amie en dresse un portrait peu gracieux :

"Sa bouche est enfoncée, son nez de travers, son regard fol et hardi. Malgré cela elle est belle. L'éclat de son teint l'emporte sur l'irrégularité de ses traits. Sa taille est grossière [Elle était surnommée "La grosse duchesse"] ; sa gorge, ses bras sont énormes...Son esprit a beaucoup de rapport à sa figure : il est pour ainsi dire aussi mal dessiné que son visage et aussi éclatant : l'abondance, l'activité, l'impétuosité sont ses qualités dominantes. Sans goût, sans grâce et sans justesse, elle étonne, elle surprend, mais elle ne plait ni n'intéresse ; sa physionomie n'a nulle expression. Tout ce qu'elle dit sort d'une imagination déréglée. C'est quelquefois un prophète, un démon agité, qui ne prévoit, ni n'a le choix de ce qu'il va dire."

Après la mort de son mari en 1750, devenue duchesse douairière, elle se désintéressa du duché qui revint à son fils Emmanuel Armand. Elle passa la fin de sa vie dans sa maison de Rueil et dans son hôtel du faubourg Saint-Germain. Elle mourut d'apoplexie en 1772 dans un bain pris à la suite d'une indigestion.
Elle fut inhumée, en Sorbonne, dans le caveau des Richelieu.
Les frais d'un service funèbre célébré dans l'église Saint-Félixd'Aiguillon pour la duchesse douairière se sont élevés à 335 livres 19 sous.

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