Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
et maréchal de France, était un cousin
du duc d’Aiguillon et le filleul de Louis XIV. Ce grand
seigneur de la cour de Louis XV était membre de l’Académie Française
et de l’Académie des Sciences, alors qu’il savait mal l’orthographe
et qu’il faisait rédiger ses discours par des écrivains, comme Fontenelle
ou Voltaire. Ce héros militaire, très séduisant, fut, comme beaucoup
de nobles de cette époque un grand débauché aux multiples intrigues
amoureuses et il fut plusieurs fois embastillé. Il fut, dit-on,
« le professeur de plaisir » de Louis XV et aurait servi de modèle
au Valmont des Liaisons dangereuses. Lui, et son petit cousin, le
duc d’Aiguillon Emmanuel-Armand, ont fréquenté la du Barry bien
avant le roi, ce qui explique leur renvoi de la cour au moment de
l’accession au trône de Louis XVI. Il fut aussi compromis dans des
conspirations et le Régent s’exclama un jour : « Si M. de Richelieu
avait quatre têtes, j’aurais dans ma poche de quoi les faire couper
toutes les quatre. Si seulement il en avait une… » Puis il le fit
libérer de prison, sur les instances de sa fille, Mademoiselle de
Valois, follement amoureuse de lui.
Au sujet de son troisième mariage à l'âge de
84 ans avec une jeune veuve, Jeanne de Lavaulx, on raconte l'anecdote
suivante. Le jour de la cérémonie, son fils lui aurait
demandé :
-- Ce soir, pensez-vous vous en sortir ?
Il lui aurait répondu :
-- Le plus difficile ne sera pas d'en sortir !
Le tableau d’Agen provenant de la collection du château ducal
d'Aiguillon date des années 1750 - 1755. Il est à la fois très usé
et très retouché et est conservé dans les réserves du Musée. Il
a été donné au département par M. Bourrières.
***
Le gouverneur
d'Odessa
Le petit-fils de Louis-François
Armand du Plessis duc de Richelieu, le duc Armand-Emmanuel-Sophie-Septimanie
de Vignerot du Plessis de Richelieu (1766-1822), cousin au troisième
degré d'Emmanuel-Armand de Vignerod, duc d'Aiguillon est plus connu
en Russie qu'en France : à Odessa, une importante rue débouchant
à son extrémité nord sur l'opera, ainsi qu'un
lycée portent son nom.
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Odessa, la rue Richelieu et l'opera vers
1900
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Odessa, le lycée Richelieu en 1910
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La rue Richelieu et l'opera de nos jours
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Il émigra en Russie en 1790 (il y apprit le russe
en moins de trois mois) pendant la Révolution Française pour s'engager
dans l'armée russe du Prince Potemkine. En 1803 le tsar Alexandre
Ier le nomma maire puis gouverneur
d'Odessa.
[Lire en ligne : Les
émigrés français en Russie, 1789-1815 par Rémy Chamousset,
particulièrement les pages 112 à 127.]
Il contribua au développement de cette nouvelle ville, fondée en
1794 par l'impératrice Catherine II de Russie et particulièrement
à la construction de son port sur la Mer Noire. Toutes les constructions
y sont en pierre, contrairement à ce qu'on voit à
l'époque dans la majorité des villes russes, construites
en bois. En 1818, le tsar Alexandre Ier en visite à Odessa,
impressionné par l'ampleur et la qualité des réalisations
dirigées par Richelieu décida d'ériger un monument
en son honneur. Une statue du sculpteur russe Ivan Martos (1754-1835)
fut érigée en sa mémoire en 1828, face à la mer, en haut du monumental
escalier Potemkine, rendu célèbre par le film Le Cuirassé Potemkine
tourné en 1925 par Sergueï Eisenstein. Le duc de Richelieu, en toge
romaine, est représenté sur un piédestal de granit rose poli, avec
trois bas-reliefs de laiton figurant l'agriculture, le commerce
et la justice. Le coulage en bronze fut réalisé à Saint-Pétersbourg
par Vassili Ekimov (1758-1837).
Sur le devant une plaque permet de lire l'inscription suivante:
" Au duc Emmanuel de Richelieu gouverneur de 1803 à 1814 de la
Nouvelle-Russie qui fut à la base du bien-être d'Odessa, ses habitants
reconnaissants de toute condition, en souvenir de ses œuvres, issus
de cette ville, ainsi que des gouvernements d'Ekaterinoslav, de
Chersonèse et de Tauride ont érigé ce monument en 1826, sous le
gouverneur-général de Nouvelle-Russie, le comte Vorontsov. "
Les habitants d'Odessa considèrent encore ce monument comme
un Porte-Bonheur.
" Il n'est de richesse que d'hommes " était la devise du 5ème Duc
de RICHELIEU.
Un siècle plus tard, voici ce que nous dit
le Dr
Léon de Lacombe, directeur de l'hôpital
français d'Odessa en janvier 1918 :
" Armand-Emmanuel du Plessis de Richelieu (1766-1822), arrière-petit
neveu du cardinal, émigré français, gouverneur d'Odessa de 1803
à 1814, futur ministre de Louis XVIII, trouva quelques toises de
jetées, de mauvaises bâtisses pour le commerce, deux cabanes servant
d'églises, des huttes pour maisons. Onze ans plus tard, il laissa
2 000 maisons, 35 000 habitants, rues pavées, port recevant 400
navires. Sa statue, érigée en 1827, se trouve toujours sur la place
à laquelle conduit le célèbre escalier construit en son honneur.
" Notez que cet hôpital est situé au centre
d'Odessa, au 11 rue de Richelieu. [page 246, note 9]
Encore un siècle plus tard, un article d'Alain
Paraillous :
Dimanche 27 mars 2022 SUD OUEST DIMANCHE
LE SAVIEZ-VOUS ?
Un cousin du duc d'Aiguillon fut gouverneur d'Odessa
Issu de la branche de l'illustre cardinal ministre de Louis XIII,
Emmanuel de Richelieu (1766-1822) se lia d'amitié avec Catherine
II et collabora avec elle pour la fondation de ce grand port ukrainien
Alors que l'Ukraine est sous les feux de l'actualité et surtout
sous les feux de l'artillerie russe, l'histoire vient nous rappeler
un lien fort de la ville d'Odessa avec la France. Ce port situé
en bordure de la mer Noire est de création récente. La ville a été
fondée de toutes pièces en 1794 par la volonté de Catherine II,
impératrice de Russie. Cette personnalité exceptionnelle, qui admirait
les philosophes des Lumières et fut l'amie de Diderot, ne se préoccupait
pas seulement de philosophie et de littérature. En créant Odessa,
sa volonté était d'ordre économique, car elle souhaitait offrir
à la Russie cet important débouché sur la mer Noire, donnant de
ce fait à la Russie un précieux accès au commerce méditerranéen.
Émigré en Russie
Cette création se fit de concert avec un Français émigré en Russie
sous la Révolution : Armand Emmanuel de Richelieu. Celui-ci était
issu de la même souche que le duc d'Aiguillon (1720-1788), ministre
de Louis XV, qui laissa une empreinte forte en Agenais, et de son
fils qui fit voter l'abolition des privilèges dans la nuit du 4
août 1789 ; leur lignée commune avait pris naissance, en effet,
avec la propre soeur du fameux cardinal, Françoise Duplessis de
Vignerod. Par ailleurs, ce jeune aristocrate était le petit-fils
du célèbre maréchal de Richelieu (1696-1788) qui fut notamment gouverneur
du Languedoc, puis de Guyenne, amateur de bonne chère, de vin de
Bordeaux… et de libertinage. Dès le début des troubles révolutionnaires,
face à ce que Chateaubriand nomma " le festin de cannibales ", Emmanuel
de Richelieu décida de quitter la France pour la Russie. Catherine
II l'accueillit à bras ouverts. Ce ne fut pas un émigré passif car
il mit aussitôt ses talents de militaire au service du pays d'accueil.
Après s'être illustré par de brillants services, il gagna la confiance
de l'impératrice. Comme elle l'avait fait avec Diderot, elle sollicita
ses conseils et c'est de leurs entretiens que naquit le projet de
création du port d'Odessa.
Une statue en son honneur
C'est tout naturellement qu'elle fit du duc de Richelieu le premier
gouverneur de cette ville, poste qu'il occupa jusqu'en 1814. Homme
d'une grande droiture, compétent et dévoué, il sut gagner la sympathie
des habitants, au point que ceux-ci décidèrent, après sa mort survenue
en 1822, de lui élever une statue, avec l'assentiment du tsar Alexandre
qui l'avait bien connu et apprécié du temps de la Grande Catherine.
La statue fut commandée au sculpteur russe Ivan Martos (1754-1835),
et érigée dès 1828, face à la mer, en haut du monumental escalier
rendu célèbre par le film d'Eisenstein " Le cuirassé Potemkine "
tourné en 1925. Le duc de Richelieu, en toge romaine, est représenté
sur un piédestal de granit rose poli, avec trois bas-reliefs de
laiton figurant l'agriculture, le commerce et la justice. Le coulage
en bronze fut réalisé à Saint-Pétersbourg par Vassili Ekimov (1758-1837).
Sur une plaque apposée au socle, on peut lire l'inscription suivante
: " Au duc Emmanuel de Richelieu, gouverneur de 1803 à 1814 de la
Nouvelle Russie qui fut à la base du bien-être d'Odessa, ses habitants
reconnaissants de toute condition, en souvenir de ses oeuvres, issus
de cette ville, ainsi que des gouvernements d'Ekaterinoslav, de
Chersonèse et de Tauride, ont érigé ce monument sous le gouverneur
général de Nouvelle Russie, le comte Vorontsov ".
Menacée par les bombes
Les habitants d'Odessa demeurent toujours très attachés à la mémoire
de leur ancien gouverneur Emmanuel de Richelieu, cousin du duc d'Aiguillon,
et à sa statue qui trône toujours au sommet du gigantesque escalier
rendu à jamais célèbre par le cinéma. Mais le monument se trouve
menacé par les bombardements actuels. Aussi les habitants d'Odessa
se sont mobilisés pour l'entourer, sur toute sa hauteur, d'une pyramide
de sacs de sable. Les Lot-et-Garonnais ne pourront qu'être sensibles
à cet attachement qui n'est pas sans lien avec eux.
Alain Paraillous
A consulter en ligne : Lettres
d’Odessa du duc de Richelieu
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