Le maréchal duc de Richelieu (1696 - 1788),
grand-père d'un futur gouverneur d'Odessa en Crimée

huile sur toile (0,98 x 0,78 m) École française du XVIIIe siècle

Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu et maréchal de France, était un cousin du duc d’Aiguillon et le filleul de Louis XIV. Ce grand seigneur de la cour de Louis XV était membre de l’Académie Française et de l’Académie des Sciences, alors qu’il savait mal l’orthographe et qu’il faisait rédiger ses discours par des écrivains, comme Fontenelle ou Voltaire. Ce héros militaire, très séduisant, fut, comme beaucoup de nobles de cette époque un grand débauché aux multiples intrigues amoureuses et il fut plusieurs fois embastillé. Il fut, dit-on, « le professeur de plaisir » de Louis XV et aurait servi de modèle au Valmont des Liaisons dangereuses. Lui, et son petit cousin, le duc d’Aiguillon Emmanuel-Armand, ont fréquenté la du Barry bien avant le roi, ce qui explique leur renvoi de la cour au moment de l’accession au trône de Louis XVI. Il fut aussi compromis dans des conspirations et le Régent s’exclama un jour : « Si M. de Richelieu avait quatre têtes, j’aurais dans ma poche de quoi les faire couper toutes les quatre. Si seulement il en avait une… » Puis il le fit libérer de prison, sur les instances de sa fille, Mademoiselle de Valois, follement amoureuse de lui.
Au sujet de son troisième mariage à l'âge de 84 ans avec une jeune veuve, Jeanne de Lavaulx, on raconte l'anecdote suivante. Le jour de la cérémonie, son fils lui aurait demandé :
-- Ce soir, pensez-vous vous en sortir ?
Il lui aurait répondu :
-- Le plus difficile ne sera pas d'en sortir !
Le tableau d’Agen provenant de la collection du château ducal d'Aiguillon date des années 1750 - 1755. Il est à la fois très usé et très retouché et est conservé dans les réserves du Musée. Il a été donné au département par M. Bourrières.

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Le gouverneur d'Odessa

Le petit-fils de Louis-François Armand du Plessis duc de Richelieu, le duc Armand-Emmanuel-Sophie-Septimanie de Vignerot du Plessis de Richelieu (1766-1822), cousin au troisième degré d'Emmanuel-Armand de Vignerod, duc d'Aiguillon est plus connu en Russie qu'en France : à Odessa, une importante rue débouchant à son extrémité nord sur l'opera, ainsi qu'un lycée portent son nom.

Odessa, la rue Richelieu et l'opera vers 1900
Odessa, le lycée Richelieu en 1910
La rue Richelieu et l'opera de nos jours

Il émigra en Russie en 1790 (il y apprit le russe en moins de trois mois) pendant la Révolution Française pour s'engager dans l'armée russe du Prince Potemkine. En 1803 le tsar Alexandre Ier le nomma maire puis gouverneur d'Odessa.
[Lire en ligne : Les émigrés français en Russie, 1789-1815 par Rémy Chamousset, particulièrement les pages 112 à 127.]
Il contribua au développement de cette nouvelle ville, fondée en 1794 par l'impératrice Catherine II de Russie et particulièrement à la construction de son port sur la Mer Noire. Toutes les constructions y sont en pierre, contrairement à ce qu'on voit à l'époque dans la majorité des villes russes, construites en bois. En 1818, le tsar Alexandre Ier en visite à Odessa, impressionné par l'ampleur et la qualité des réalisations dirigées par Richelieu décida d'ériger un monument en son honneur. Une statue du sculpteur russe Ivan Martos (1754-1835) fut érigée en sa mémoire en 1828, face à la mer, en haut du monumental escalier Potemkine, rendu célèbre par le film Le Cuirassé Potemkine tourné en 1925 par Sergueï Eisenstein. Le duc de Richelieu, en toge romaine, est représenté sur un piédestal de granit rose poli, avec trois bas-reliefs de laiton figurant l'agriculture, le commerce et la justice. Le coulage en bronze fut réalisé à Saint-Pétersbourg par Vassili Ekimov (1758-1837).
Sur le devant une plaque permet de lire l'inscription suivante: " Au duc Emmanuel de Richelieu gouverneur de 1803 à 1814 de la Nouvelle-Russie qui fut à la base du bien-être d'Odessa, ses habitants reconnaissants de toute condition, en souvenir de ses œuvres, issus de cette ville, ainsi que des gouvernements d'Ekaterinoslav, de Chersonèse et de Tauride ont érigé ce monument en 1826, sous le gouverneur-général de Nouvelle-Russie, le comte Vorontsov. "
Les habitants d'Odessa considèrent encore ce monument comme un Porte-Bonheur.
" Il n'est de richesse que d'hommes " était la devise du 5ème Duc de RICHELIEU.

Un siècle plus tard, voici ce que nous dit le Dr Léon de Lacombe, directeur de l'hôpital français d'Odessa en janvier 1918 :
" Armand-Emmanuel du Plessis de Richelieu (1766-1822), arrière-petit neveu du cardinal, émigré français, gouverneur d'Odessa de 1803 à 1814, futur ministre de Louis XVIII, trouva quelques toises de jetées, de mauvaises bâtisses pour le commerce, deux cabanes servant d'églises, des huttes pour maisons. Onze ans plus tard, il laissa 2 000 maisons, 35 000 habitants, rues pavées, port recevant 400 navires. Sa statue, érigée en 1827, se trouve toujours sur la place à laquelle conduit le célèbre escalier construit en son honneur. " Notez que cet hôpital est situé au centre d'Odessa, au 11 rue de Richelieu. [page 246, note 9]

Encore un siècle plus tard, un article d'Alain Paraillous :

Dimanche 27 mars 2022 SUD OUEST DIMANCHE

LE SAVIEZ-VOUS ?
Un cousin du duc d'Aiguillon fut gouverneur d'Odessa
Issu de la branche de l'illustre cardinal ministre de Louis XIII, Emmanuel de Richelieu (1766-1822) se lia d'amitié avec Catherine II et collabora avec elle pour la fondation de ce grand port ukrainien
Alors que l'Ukraine est sous les feux de l'actualité et surtout sous les feux de l'artillerie russe, l'histoire vient nous rappeler un lien fort de la ville d'Odessa avec la France. Ce port situé en bordure de la mer Noire est de création récente. La ville a été fondée de toutes pièces en 1794 par la volonté de Catherine II, impératrice de Russie. Cette personnalité exceptionnelle, qui admirait les philosophes des Lumières et fut l'amie de Diderot, ne se préoccupait pas seulement de philosophie et de littérature. En créant Odessa, sa volonté était d'ordre économique, car elle souhaitait offrir à la Russie cet important débouché sur la mer Noire, donnant de ce fait à la Russie un précieux accès au commerce méditerranéen.
Émigré en Russie
Cette création se fit de concert avec un Français émigré en Russie sous la Révolution : Armand Emmanuel de Richelieu. Celui-ci était issu de la même souche que le duc d'Aiguillon (1720-1788), ministre de Louis XV, qui laissa une empreinte forte en Agenais, et de son fils qui fit voter l'abolition des privilèges dans la nuit du 4 août 1789 ; leur lignée commune avait pris naissance, en effet, avec la propre soeur du fameux cardinal, Françoise Duplessis de Vignerod. Par ailleurs, ce jeune aristocrate était le petit-fils du célèbre maréchal de Richelieu (1696-1788) qui fut notamment gouverneur du Languedoc, puis de Guyenne, amateur de bonne chère, de vin de Bordeaux… et de libertinage. Dès le début des troubles révolutionnaires, face à ce que Chateaubriand nomma " le festin de cannibales ", Emmanuel de Richelieu décida de quitter la France pour la Russie. Catherine II l'accueillit à bras ouverts. Ce ne fut pas un émigré passif car il mit aussitôt ses talents de militaire au service du pays d'accueil. Après s'être illustré par de brillants services, il gagna la confiance de l'impératrice. Comme elle l'avait fait avec Diderot, elle sollicita ses conseils et c'est de leurs entretiens que naquit le projet de création du port d'Odessa.
Une statue en son honneur
C'est tout naturellement qu'elle fit du duc de Richelieu le premier gouverneur de cette ville, poste qu'il occupa jusqu'en 1814. Homme d'une grande droiture, compétent et dévoué, il sut gagner la sympathie des habitants, au point que ceux-ci décidèrent, après sa mort survenue en 1822, de lui élever une statue, avec l'assentiment du tsar Alexandre qui l'avait bien connu et apprécié du temps de la Grande Catherine. La statue fut commandée au sculpteur russe Ivan Martos (1754-1835), et érigée dès 1828, face à la mer, en haut du monumental escalier rendu célèbre par le film d'Eisenstein " Le cuirassé Potemkine " tourné en 1925. Le duc de Richelieu, en toge romaine, est représenté sur un piédestal de granit rose poli, avec trois bas-reliefs de laiton figurant l'agriculture, le commerce et la justice. Le coulage en bronze fut réalisé à Saint-Pétersbourg par Vassili Ekimov (1758-1837). Sur une plaque apposée au socle, on peut lire l'inscription suivante : " Au duc Emmanuel de Richelieu, gouverneur de 1803 à 1814 de la Nouvelle Russie qui fut à la base du bien-être d'Odessa, ses habitants reconnaissants de toute condition, en souvenir de ses oeuvres, issus de cette ville, ainsi que des gouvernements d'Ekaterinoslav, de Chersonèse et de Tauride, ont érigé ce monument sous le gouverneur général de Nouvelle Russie, le comte Vorontsov ".
Menacée par les bombes
Les habitants d'Odessa demeurent toujours très attachés à la mémoire de leur ancien gouverneur Emmanuel de Richelieu, cousin du duc d'Aiguillon, et à sa statue qui trône toujours au sommet du gigantesque escalier rendu à jamais célèbre par le cinéma. Mais le monument se trouve menacé par les bombardements actuels. Aussi les habitants d'Odessa se sont mobilisés pour l'entourer, sur toute sa hauteur, d'une pyramide de sacs de sable. Les Lot-et-Garonnais ne pourront qu'être sensibles à cet attachement qui n'est pas sans lien avec eux.
Alain Paraillous

 

A consulter en ligne : Lettres d’Odessa du duc de Richelieu

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