Louise-Félicité de Bréhan-Plélo
duchesse d'Aiguillon
(30 novembre 1726-15 septembre 1796)
Biographie d'après LA DUCHESSE D'AIGUILLON par Paul d'Estrées et Albert Callet


Bréhan


Galerie du Marquis de Chabrillan


Phélipeaux de la Vrillière

1726. Naissance.
Elle était la fille du comte de Bréhan-Plélo et de Louise-Françoise Phélypeaux de la Vrillière.
Son père, ambassadeur de France à Copenhague fut tué au siège de Dantzig en 1734 en tentant de secourir Stanislas Leszczynski (père de la reine) assiégé par les Russes et les Autrichiens alors qu'il essayait de récupérer le trône de Pologne.
1737. Mort de sa mère.
Orpheline à onze ans, elle est recueillie par le comte de Maurepas, son oncle maternel par alliance puis éduquée à l'abbaye de Penthemont, rue de Grenelle à Paris. Son physique ingrat est compensé par un esprit vif, un caractère ferme et décidé. Par la suite elle sera une grande épistolière et correspondra régulièrement avec le chevalier de Balleroy (1) en particulier.
1740. Elle n'a que treize ans et se marie avec le comte d'Agenois, Emmanuel-Armand de Vignerod âgé de vingt ans qui aura en 1770 le duché d'Aiguillon en héritage. Elle ne se plaignit jamais des multiples infidélités de son mari, mais dans une lettre à sa belle-mère en 1760 elle écrit : "la vie est pour moi sans attrait".
Avec l'appui de la reine Marie Lesczinska, qui lui était reconnaissante du sacrifice de son père, elle fut admise à la cour où elle devint une proche favorite.
Pendant les Affaires de Bretagne, profitant de ses origines bretonnes, elle parcourait le pays pour rallier à la cause de son mari des personnes pouvant témoigner contre les La Chalotais père et fils, détenus à Saint-Malo pour des écrits irrespectueux envers le roi, dans l'attente d'un procès.
1757. Le 5 janvier, Damiens tenta d'assassiner le roi. Immédiatement, faisant preuve de sagacité, Mme d'Aiguillon restée à Paris pendant que son mari luttait contre les Etats de Bretagne pour leur faire accepter le paiement d'un impôt, lui envoie un courrier annonçant l'attentat ; d'Aiguillon se servit de cette information pour influencer la décision des Etats et obtint même plus qu'il ne leur demandait.
1765 à 1766. Le couple est en vacances au somptueux château de Veretz dont Louise-Félicité etait la surintendante, supervisant les travaux, l'entretien du parc, l'organisation des loisirs : livres, gazettes, pièces de théâtre, chasses... C'est en allant prendre les eaux à Barèges, que passant par Aiguillon, le duc constata l'état de délabrement du château et qu'il demanda à Charles Leroy, élève de Soufflot, de le reconstruire dans le style XVIIIème siècle que nous lui connaissons.
1767. Mme d'Aiguillon, rappelée à Versailles par la reine, rencontrait souvent le roi et lui donnait des conseils en ce qui concernait la Bretagne pour servir les intérêts de son mari.
1768. Elle a assisté la reine tout au long de son agonie qui prit fin le 24 juin ; peu après, son mari abandonna la gouvernance de la Bretagne où il était depuis dix ans.
1771, 21 mai. Le duc d'Aiguillon était sur le point de devenir ministre ; dans une longue lettre, sa femme lui décrivit par le menu le mariage du comte de Provence [futur Louis XIII], faisant un portrait flatteur et détaillé de la jeune épouse. Quant aux festivités qui suivirent la cérémonie elle déclara : "c'est le plus beauspectacle que j'aie vu de ma vie."
1771, 8 juin. D'Aiguillon fut nommé ministre le 2 juin et sa femme écrivitt au chevalier de Balleroy : "On vous a sûrement mandé que le voilà maintenant ministre des affaires étrangères : il y a si longtemps que le public avait désigné cette nommination que l'on a eu le temps de réfléchir à ce que l'on doit en penser.", puis, montrant sa lucidité : "Mon parti est pris et je sacrifie ma liberté aus volontés de mon maître... Je suis accablée déjà de lettres plus plates et plus basses les une que les autres, qui m'inspirent pour le plus grand nombre des écrivains le plus profond mépris, mais auxquelles il faut pourtant répondre comme si elles étaient sincères."
1772. Cèdant à l'insistance de son mari, Mme d'Aiguillon, devint une grande amie et le chaperon de Madame Du Barry dans les cérémonies officielles.
Le 1er janvier, elle l'accompagnait chez la Dauphine, celle-ci se contentant de regarder la favorite et de prononcer la phrase restée célèbre : "Il y a bien du monde aujourd'hui à Versailles."
Le 22 décembre, elles arrivèrent toutes deux dans le même carrosse à la cérémonie du décintrement du pont de Neuilly.
1774. 20 janvier, extrait d'une lettre au chevalier de Balleroy : "Eh bien ! Monsieur le chevalier, voilà donc encore votre ami [d'Aiguillon] surchargé d'affaires. Hier, après le conseil, le roi l'appelle et lui dit ; je vous charge du département de la guerre, jusqu'à ce que j'aie trouvé quelqu'un qui me convienne. Je vous avertis que cela est difficile et que j'en trouverai difficilement. [Votre ami] lui répondit : J'obéis aux volontés de Votre Majesté et je désire qu'elle trouve quelqu'un à qui remettre ce dépôt... Vous jugez les courbettes et les sots compliments qu'il a reçus..."
2 juin, Mme d'Aiguillon partit pour Veretz en prévision d'un probable exil, à la suite de la démission de son mari exigée par la nouvelle reine Marie-Antoinette, après la mort de louis XV.
1775, 5 juin. Trois jours avant le sacre de LouisXVI, d'Aiguillon reçut l'interdiction de se rendre à Reims et "l'ordre verbal" de Marie-Antoinette [le roi n'avait pas consenti à signer une lettre de cachet] de prendre le chemin d'Aiguillon en Agenois à deux cents lieues de Versailles. On pensait que son épouse ne l'y rejoindrait pas car il avait fallu démolir le vieux château [du Fossat] en ruine et la reconstruction n'était pas achevée ; mais elle y courut malgré la difficulté à s'y loger décemment. Elle participa activement à leur installation dans l'édifice en construction.
A la suite de deux visites à Aiguillon de la Du Barry en été et à l'automne, un pamphlet calomnia Mme d'Aiguillon en ces termes :"... La bretonne duchesse, accoutumée à ses infidélités, s'est prêtée à ce concubinage ; et le bruit général est que Mme Du Barry est grosse des œuvres du duc."
1776, 21 juin. Dans une lettre au chevallier de Balleroy, elle annonça la mort de leur fille Innocente-Aglaé, marquise de Chabrillan, venue leur rendre visite après un an de séparation, alors qu'elle n'était pas remise d'une maladie et pour la première fois elle accusa la reine d'être la cause de leur malheur ; la marquise fut enterrée dans l'église des Carmes de la ville et le duc et la duchesse prirent le parti de rester à Aiguillon malgré la levée de leur exil.
1777. Mme d'Aiguillon accompagna son mari et leur fils à Bagnères et à Barèges pendant trois mois pour soigner par les eaux l'affection bilieuse qui affectait le duc.
1778. Lettres au chevalier de Balleroy.
Le 24 juillet elle écrit : "Jean-Jacques [Rousseau] a fait à votre ami M. Girardin une grande galanterie en allant mourir chez lui. Il manquait vraiement à son jardin anglais un tombeau ; il en aura un véritable, puisqu'on dit qu'il le fait enterrer dans une île de son jardin, que sûrement il décorera de tous les ornements convenables."
Le 28 août, elle annonça la construction de la salle de la comédie et le développement de sa basse-cour.
Le 21 décembre : "Notre théâtre s'est ouvert hier par L'épreuve villageoise et la Famille extravagante..." puis "Faites-moi le plaisir de m'acheter l'Elite des Almanachs, un Recueil des costumes et des modes chez Desnos, rue Saint-Jacques (4 livres 10 sous)..."
1780. Lettres au chevalier de Balleroy :
7 janvier :"...Nos santés vont assez joliment en ce moment ; et nous ne sommes occupés que de bals, de comédies. Hier, il y a eu bal ; aujourd'hui on joue la Métromanie, suivie de la Servante justifiée et d'un ballet bouffon de la composition de mon fils, demain bal et après le souper."
23 mars. Le maréchal de Richelieu, 82 ans, nouveau marié avec une veuve de 38 ans sa cadette, manifesta l'envie de venir à Aiguillon. La duchesse craignant pour sa santé écrivit : "...je n'espère pas qu'il se rende à mes représentations, puisqu'il a résisté à celle de sa femme, qui a plus d'empire que moi sur son esprit, mais s'il persiste, il ne prendra pas sa route par le Languedoc car nous irons le rejoindre à Fronsac pour lui éviter la peine..."
13 août. Après la présentation à la cour de son fils Armand-Désiré qui avait 20 ans : "On s'imaginait qu'un homme de son âge qui, depuis cinq ans était dans le fond d'une province, devait être une espèce de petit sauvage... [on] l'a trouvé très bien élevé..."
15 septembre : "...on commence les communs, on achève la Comédie..."
1781. Voyage à Paris de la duchesse avec Armand-Désiré dans le but de l'établir [le marier], sans succès.
1782. 18 août : Mme d'Aiguillon signale la présence de Mme Du Barry et de sa nièce Hélène Du Barry [née Hélène de Tournon, veuve d'Adolphe Du Barry le fils de Jean-Baptiste Du Barry dit le "Roué"] à Aiguillon à un dîner donné pour l'évêque d'Agen.
1784. D'Aiguillon a fait un voyage à Paris et sa femme est allée à Ruel vers la fin de l'année.
1785. Trois lettres seulement [les dernières] qui nous apprennent que le comte d'Agenois Armand-Désiré a été nommé duc en août et qu'il s'est marié avec Mlle de Navailles.
D'Aiguillon, malade était revenu vivre à Paris et à Ruel jusqu'à sa mort le 1er septembre 1788. Il fut enterré dans la chapelle de la Sorbonne aux côtés du Cardinal.
Ensuite, on perd la trace de la duchesse pendant plusieurs années. En 1793, lors du procès de la Du Barry devant le tribunal révolutionnaire, Fouquier-Tinville note Ruel comme domicile de Mme d'Aiguillon. Après avoir émigré (2) en Angleterre, elle revint à Paris avant la date limite du 1er janvier 1792 fixée par un décret de l'Assemblée législative sous peine d'être coupable du crime de lèse-nation.
Le 28 février 1793, la citoyenne Plélo, veuve d'Aiguillon obtint un certificat de résidence à Rueil [nouveau nom de Ruel] signé Langevin maire de Marly.
Le 1er février 1794 [13 pluviôse an II] : "le Comité de sûreté générale arrête que la ci-devant duchesse d'Aiguillon... sera transférée en la maison d'arrêt dite des Anglaises à Paris... [rue de l'Ourcine, entre les rues Mouffetard et de la Santé]"
Le 21 octobre 1794 [30 vendémiaire an III] : "Vu les différentes attestations des autorités contituées de la commune du Ruel, près Paris, en faveur de la dame veuve d'Aiguillon, détenue au x Anglaises rue Saint-Victor, le Comité arrête qu'elle sera sur-le-champ mise en liberté et les scellées levées au vu du présent." (Les membres du Comité de sûreté générale Legendre, ...)
Sa correspondance avec le baron de Scheffer, ancien ministre des affaires étrangères de Suède nous renseigne sur la vie de Mme d'Aiguillon à Ruel. Elle y mène une vie de fermière : les pelouses sont transformées en carrés de légumes qu'elle va vendre elle-même sur les marchés de Paris, elle y élève de la volaille, des cochons, des moutons, des vaches...
Le 16 septembre 1796, la commune de Rueil enregistre le décès de "la citoyenne Louise-Félicité de Bréhan de Plélo, veuve d'Emmanuel-Armand Duplessis-Richelieu d'Aiguillon âgée de 70 ans, d'une maladie de langueur, en sa demeure ordinaire rue ci-devant dite du Château..."
Elle est enterrée au cimetière de Rueil.

(1) Charles Auguste de La Cour de Balleroy (1721-1794), ami fidèle des d'Aiguillon avec qui ils ont entretenu une correspondance régulière d'où est tirée un grande partie de page.
Il est promu maréchal de camp le 1er mai 1758, et commande plusieurs fois par intérim la province de Bretagne en l’absence du duc d’Aiguillon. Il occupe les fonctions d’inspecteur général d’infanterie en Bretagne de nombreuses années. Le 11 septembre 1758, il se trouve à la Bataille de Saint-Cast, et il est élevé au grade de lieutenant-général le 25 juillet 1762. Il est fait chevalier de Saint-Louis en 1762.
(2) Selon certaines versions, ce serait en 1789 après les journées des 5 et 6 octobre, ou bien le 14 octobre 1792 avec l'aide de Mme Du Barry.

Il faut lire : LA DUCHESSE D'AIGUILLON par Paul d'Estrées et Albert Callet en ligne ICI

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