Les guerres de religion furent à Aiguillon,
comme partout en France, une période de troubles car ses habitants
et leur baron Honorat de Savoie étaient catholiques alors que beaucoup
de villes voisines, Agen, Clairac, Tonneins, Marmande s'étaient
ralliées à la Réforme. Pendant environ 40 ans, ce fut une suite
de revirements, les villes passant alternativement d'un clan à
l'autre et vice versa, le tout sur fond de tueries, pendaisons,
viols...

Honorat de Savoie
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Blaise de Monluc
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En 1562, Aiguillon résista à une attaque
de nuit par les huguenots. En juillet, Monluc qui tenait son pouvoir
de Catherine de Médicis pourchassait les Réformés dans le
sud-ouest sans faire de quartier (400 morts du côté de Nérac, 700
à Monségur) ; il s'empara de Duras, Clairac qu'il imposa de 30 000
livres, de Tonneins et occupa Aiguillon, Port-Sainte-Marie et reprit
Agen. Dans les deux camps on tuait et pillait, des petits enfants
furent rôtis et on vit des scènes de cannibalisme.
En 1565, Catherine de Médicis et le jeune roi âgé
de quatorze ans, Charles IX, ainsi que toute leur cour (le jeune
Henri de Navarre âgé de 12 ans, futur Henri IV, en faisait partie
ainsi que les autres enfants de la reine-mère : Henri duc
d'Anjou, François duc d'Alençon et leur soeur Marguerite,
future épouse d'Henri de Navarre), firent pendant plus de
deux ans un long périple à travers la France. Le mardi 27 mars,
venant de Port-Sainte-Marie par bateau ils entrèrent à Aiguillon
où ils couchèrent et dînèrent le lendemain 28 avant de s'embarquer
pour Marmande et Bordeaux.

Henri de Navarre jeune
par Dumonstier
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Catherine de Médicis
atelier de François Clouet
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Marguerite de France
future reine de Navarre
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En 1567, le 10 novembre, Honorat
de Savoie, baron d'Aiguillon, participa à la bataille
de Saint-Denis où les protestants du prince de Condé et de l'amiral
Coligny furent battus.
1569, offensive générale des calvinistes dans la région.
Le 28 novembre, l'armée protestante des princes [ainsi nommée parce
qu'y participaient Henri de Bourbon prince de Navarre, futur Henri
IV et Henri de Bourbon prince de Condé son cousin] envahit l'Agenais
; elle prit Aiguillon, que lui livra Barthélémy Malvin de Montazet
contre rançon de 8000 livres évitant ainsi la destruction de sa
ville.
Le lendemain ils occupèrent le Port-Sainte-Marie et construisirent
un pont de bateaux pour se mettre en contact avec l'armée de Montgoméry
qui arrivait du Béarn où il venait de libérer Jeanne d'Albret,
assiégée dans Navarrenx, et de battre le vicomte Terride,
chef des catholiques, à Orthez ; Monheurt était occupé et Coligny
campait entre Aiguillon et Villeneuve.
Les catholiques voulaient détruire le pont de bateaux et pour cela
ils détachèrent à Agen un moulin à eau chargé de grosses pierres
et l'abandonnèrent au courant de Garonne en crue, espérant que ce
bélier flottant serait efficace. Ce fut le cas, mais le pont fut
rétabli et en décembre les deux armées protestantes se joignirent
(12 à15000 hommes) avant de gagner le Languedoc, et pour éviter
Monluc, elles contournèrent Agen par le nord.
Aiguillon fut ainsi libéré.
Honorat de Savoie, fut nommé lieutenant général du roi en Guyenne
à la place de Monluc fin 1570, maréchal de France en 1571 et amiral
de France après la mort de Coligny à la Saint-Barthélémy.
1572-1573. Honorat de Savoie, avec 8000 hommes de pied et
2000 chevaux reprit des places fortes aux huguenots de Gascogne
mais comme ses soldats vivaient du pillage, les paysans s'ameutèrent
contre eux.
1575. Les protestants prirent le château de Madaillan appartenant
à Honorat de Savoie ; Monluc fut incapable de le reprendre malgré
son artillerie ; accablé d'infirmités, il se retira définitivement
dans son château d'Estillac près d'Agen. Sa charge de lieutenant
en Guyenne revint à Honorat de Savoie.
1577. Un édit de pacification ramèna le calme. Le 25 mai
1577 Henri de Navarre fit un séjour à Aiguillon qui était
à cette époque aux mains des protestants.
1580. Reprise des hostilités : le 21 août, le capitaine Du
Bosc, aidé de M. Ussac (1), gouverneur
de la Reolle, à la faveur de la nuit, s'empara de la ville d'Aiguillon
et de son château, au profit des catholiques.
1586. Charles de Lorraine, duc de Mayenne (le gendre d'Honorat
de Savoie) venant de la Charente par Villeneuve, vint à Aiguillon
(les consuls distribuèrent dix tonneaux de vin aux ligueurs
pour prévenir les pillages) et s'empara de Tonneins, Damazan, Le
Mas et Meilhan. Le maréchal de Matignon échoua
à capturer Henri de Navarre.
1587. Turenne prit le fort de Nicole pour les protestants.

Charles de Lorraine
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Ses armoiries
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Turenne
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1589. Après l'élimination du duc de Guise,
Henri III et Henri de Navarre s'allièrent. Il s'ensuit une
période trouble, les villes de la région faisant allégence tantôt
aux ligueurs, tantôt à Henri IV.

Henri de Lorraine
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Henri III
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1596. Charles de Lorraine (Mayenne) se soumit
à Henri IV qui créa pour son fils Henri de Lorraine le duché pairie
d'Aiguillon.
1598. En avril, Henri IV promulga l'Edit
de Nantes, mettant fin aux guerres de Religion.
1621. Devant l'agitation renaissante des
protestants, Louis XIII descendit dans le midi à la tête
de son armée. Le 7 juillet, Henri de Lorraine reprit Nérac
qui était aux protestants.
Il rejoignit le Roi au siège de Montauban où il fut
tué d'une balle dans l'oeil ; son corps fut ramené
à Aiguillon pour être enterré dans l'église
des Carmes.
N'ayant pu prendre Montauban, l'armée royale vint assiéger
Monheurt
sur la rive gauche de la Garonne, du 29 novembre au 13 décembre.
Louis XIII occupa alors le château de Bourbon dominant la
vallée, sur l'autre rive. Selon le Général
Albert de Peyrelongue, fin connaisseur de l'histoire locale et de
l'artillerie, il pouvait bombarder Monheurt, distant de 1500 mètres,
en tirant des boulets de 36 livres ayant une portée comprise
entre 1600 et 3700 mètres.
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Boulet de 36 livres
(15,3 kg et 15,5 cm de diamètre)
trouvé lors d'un terrassement
dans les environs d'Aiguillon
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Monheurt fut pris, pillé et brûlé,
ses derniers survivants massacrés.
Luynes, malade de la fièvre pourpre, succomba non loin de
là, le 15 décembre, au château de Longuetille,
abandonné par le Roi.
Aiguillon était resté fidèle au roi.
(1) Ussac, zélé protestant, lassé des railleries
du roi de Navarre et de Turenne au sujet de son idylle avec la belle
Anne d'Aquaviva alors qu'il était vieux et balafré au visage, finit
par se faire catholique et livra La Réole à Catherine de
Médicis, puis Aiguillon.
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