Pierre Verdolin (1746-1829)
D'après les Mémoires de Pierre Verdolin d'Aiguillon
Procureur Syndic du district de Tonneins-la-Montagne
Annotées par René Bonnat Archiviste départemental
en ligne ICI

Pierre Verdolin naquit aux environs de 1746 à Aiguillon où son père, Bertrand Verdolin, exerçait l'office de notaire royal. Sa mère, Jeanne Gauduque était également aiguillonnaise. Voir son arbre généalogique ICI.
Après des études de droit à Bordeaux, devenu tabellion, il rentra à Aiguillon et son père le mit en pension chez son confrère et rival Bernard Nugues. Là, les amusements et le jeu l'occupèrent, lui faisant contracter des dettes. Il fréquentait la bonne socièté aiguillonnaise : Duburgua, chirurgien, les Coq père et fils, Nebout jeune ... Il s'y lia d'amitié avec Louis Mautor, avocat, issu d'une vieille famille de la région..
D'esprit frondeur, il s'opposa à Merle de Massonneau [maire], à Nebout [premier consul] et à Léaumont de Rieubet [deuxième consul], dont les comptes consulaires présentaient de sérieux déficits.
Il épousa le 29 novembre 1780 Jeanne-Colombe Miraben dont il eut deux filles et un fils, François, le 18 décembre 1784.
Poussés par Mautor contre les consuls, Verdolin, Nugues, Miraben et Coq allèrent jusqu'à les poursuivre devant le Parlement de Bordeaux ; de même, il bouda les somptueuses fêtes que le duc en exil organisait dans son nouveau château, préférant festoyer avec les domestiques du duc : Nicolas Rogier, maître d'hôtel, François Drovard, jardinier, Nicolas Goussas, chef de cuisine ... Plus tard, Verdolin découvrit la duplicité de Mautor qui rencontrait secrètement les Merle de Massonneau.
En 1789, le tiers-état d'Aiguillon l'envoya à Agen, en compagnie de Merle-Dubarry de Coq et de Mautor, participer à l'élection des députés de cet ordre ; les trois premiers furent indignés quand il apprirent que Mautor plaidait pour qu'Armand-Désiré d'Aiguillon fût choisi comme représentant du Tiers-Etat.
À Aiguillon, un comité permanent qu'il dirigeait fut attaqué par Nebout, armes à la main. Deux sociétés populaires rivales se formèrent : il présidait celle de Peyrelongue tandis que les consuls adhèraient à celle des Carmes.
La nouvelle municipalité [Maire : Jean Florans ; officiers municipaux : Pierre Léaumont, Pierre Lacaze et Jean Coq] l'élut suppléant du juge de paix, puis procureur de la commune le 6 novembre 1791.
Il hésita à prendre parti entre les prêtres assermentés et les non-conformistes qui avaient gardé la sympathie d'un grand nombre d'aiguillonnais. Bien que peu partisan de la Montagne, ceux-ci l'élirent procureur syndic du district [ancêtre de nos cantons] de Tonneins la Montagne.
Considéré comme trop radical à Aiguillon, à Tonneins il faisait figure de modéré vis à vis des jacobins qui y règnaient, en particulier son principal opposant fut l'instituteur Jouan le jeune qui prit le nom de Marat après l'assassinat de l'Ami du Peuple. Sachant flatter les passions populaires, Jouan était le maître de la rue. Il fut maire, procureur de la commune, procureur général de la Fédération des sans-culotte du Lot-et-Garonne.
En pleine période de la Terreur, Jouan obtint des représentants du peuple en mission, Baudot [médecin], Ysabeau
[ex oratorien] et Paganel [ci-devant curé de Noaillac], la destitution de Verdolin, son arrestation comme suspect de fédéralisme et son incarcération à Nérac, puis à Tonneins en attente d'un jugement à Bordeaux.

Baudot
Ysabeau
Paganel

Il guérit d'une grave maladie contractée en prison, mais à cause de l'acharnement de Jouan, il risquait toujours la guillotine, malgré les multiples démarches de son épouse auprès des représentants du peuple à Agen et Bordeaux. Après le 9 thermidor il fut rapidement libéré et revint à Aiguillon. Il put assister, fin 1794, au passage de Jouan, sous les huées d'une foule de femmes, conduit par des gendarmes à la prison d'Agen, sans que ses anciens partisans aiguillonnais lui manifestent un quelconque soutien.
Le 13 brumaire an IV (4 novembre 1795), Verdolin, à sa grande surprise, fut nommé par le gouvernement de Paris, commissaire du Directoire exécutif près l'administration cantonale d'Aiguillon, les cantons remplaçant les districts.
Son traitement était de 400 myriagrammes de froment par an [1 myriagramme valant 10 kilogrammes, cela ferait donc un traitement de 4 tonnes de froment par an ?]
Le canton d'Aiguillon était constitué des communes de Coleignes, Dominipech, Galapian, Nicole, Saint-Salvy, Saint-Vincent, Saint-Brice, Aiguillon et une partie de Clairac.
L'administration cantonale était présidée par Nugues aîné ; elle était constituée par dix agents administratifs et dix suppléants, en majorité anciens partisans de Jouan, mais aucune décision ne pouvait être prise sans l'avis du commissaire Verdolin, ce qui lui permettait de modérer les excès de cette administration. C'est ainsi qu'il protégea la dame de Clairefontaine du manoir de Saint-Armand près de Pélagat ; il évita la guillotine à l'ancien émigré Gaulejac réfugié à Saint-Brice ; il s'opposa à la vente des biens de Malvin de Montazet convoités par des agents de l'administration cantonale ; il empêcha Nugues d'enlever les moulins de la ci-devant duchesse d'Aiguillon ... etc. Cela lui valut d'être persécuté par la haine tenace des candidats aux spoliations.
Le 4 nivôse an VI, lassé des intrigues de Nugues, Verdolin démissionna et fut remplacé par Duburgua. Il obtint d'être réintégré notaire à Aiguillon, mais Nugues, notaire, frère de Nugues maire extra-muros d'Aiguillon, jouait du pouvoir de ce dernier pour attirer la clientèle dans son étude, aidé par son épouse qui usait de moyens que Verdolin déclare : "ne pas oser les nommer sans rougir".
Pour les mêmes raisons, le 12 janvier 1809, Verdolin abandonna sa charge de notaire au bénéfice de Jean Laffitte.
Patriote au début de la Révolution, il détesta la Convention et la Terreur, si bien qu'il accueillit favorablement le retour des Bourbons qui lui attribuèrent la décoration de l'ordre du lys [fleur de lys d'argent surmontée d'une couronne d'argent et ruban blanc].
Il acheva d'écrire ses mémoires le 25 août 1828.

L'ordre du lys
origine de l'ordre du lys -- on sait ce qu'en vaut l'aune
Caricature du comte d'Artois, futur Charles X

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