Elle a été érigée à l'initiative
des prêtres de cinq paroisses - Saint Félix d'Aiguillon, Saint-Côme,
Lagarigue, Sainte-Radegonde (commune d'Aiguillon) et de Nicole-
conformément au projet de Boullet de Marmande, sur le terrain
situé au Pech de Bère, mis à disposition par M. Paul Amblard,
châtelain de Lafon. La croix métallique sortie des ateliers
Chanlou de Bordeaux mesure 18 m de hauteur au dessus d'un
piédestal de 6 m. de hauteur et de largeur. Elle fut inaugurée
en présence de Mgr Coeuret-Varin, évêque d'Agen, le lundi
de Pâques de 1897 (19 avril). Avec une hauteur de 21 m au
dessus du sol elle domine la plaine de Garonne et le confluent
du Lot et de la Garonne ; elle faisait le pendant de celle
de Buzet et devint la plus haute de France à la fin du XIX°
siècle, dépassant celles de Verdelais, de Brive, du Nivolet
(Chambery) considérées alors comme les plus hautes. Elle porte
un christ d'une hauteur de trois mètres de haut et de large,
fondu dans l'usine Gasneau de Tussey près Vaucouleurs (Meuse).
Le simple chemin qui permettait d' accéder au Pech, transformé
en " chemin de croix " avec ses 14 stations ayant chacune
une croix de bois a été remplacée par une route.
Texte extrait du Dictionnaire de l'Agenais
et de Lot-et-Garonne -- Photos Studio
Christian à Aiguillon
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Article de Sud-Ouest du Dimanche
16 mai 2021
Sur la commune de Nicole,
la croix monumentale du Pech-de-Berre domine le confluent
du Lot et de la Garonne.
Le saviez-vous ? Haute de
18 mètres, cette croix métallique, vieille de 124 ans, est
l'une des plus gigantesques d'Europe
Le site du Pech de Berre, est
un des lieux phares du Lot-et-Garonne. Ce promontoire naturel
domine en effet les deux vastes plaines dont les cours d'eau
ont donné son nom au département. En cas de crue importante
comme il s'en est vu récemment encore, le spectacle de l'inondation
à perte de vue a de quoi fasciner. Mais vu d'en bas, le site
impressionne aussi, tant il ressemble à une immense forteresse
qui s'aperçoit à plusieurs lieues à la ronde.
Un site gaulois
Par sa configuration, le site du Pech-de-Berre constitue d'ailleurs
une forteresse naturelle. Son toponyme pourrait être d'origine
gauloise, le mot " berre " (que l'on orthographie " bère ",
ou " ber " ou même " ver ", car le b et le v se prononcent
de façon assez semblable, surtout dans nos régions) serait
le même que l'on trouve dans le nom de Vercingétorix. D'après
les linguistes, le mot " Ver " représentait un titre militaire,
comme " général ", et désignait une personnalité importante.
Ce " pech " (terme qui désigne un promontoire) fut donc probablement
occupé par un " Ver " (ou " Ber ") avec sa garnison au tout
début de notre ère.
A la suite de fouilles effectuées vers 1980, l'archéologue
Alain Dautant a pu écrire : " Le Pech-de-Berre ne semble
pas avoir été un oppidum, mais un rempart d'une d'une dizaine
de mètres de large et d'une hauteur de quatre mètres a été
édifié sur toute la largeur du plateau. Son cœur est constitué
de terre cuite tandis que sa masse est formée de terre et
de nombreuses pierres calcaires grises. Il semble que des
habitations se soient appuyées sur son flanc du côté intérieur
du camp. "
Plus tard, au Moyen Age, et sans doute dès la chute de l'empire
romain, quand des hordes barbares, déboulant par le fleuve
ou la rivière, se livraient au pillage et aux pires exactions,
les populations riveraines montèrent se réfugier sur ces hauteurs.
Un important habitat
troglodytique était encore visible ici au début du XXè
siècle, comme le montrent d'anciennes cartes postales. Quelques
abris sous roche et même une chapelle
monolithique, creusée dans le roc, peuvent encore être
visités par les téméraires qui ne craignent ni les ronces
ni les sentiers effondrés. Au XVIIIè siècle, un ermite fut
l'ultime occupant de ces lieux sauvages. Ce fou de Dieu descendait
régulièrement à Aiguillon, la cité ducale toute proche, haranguant
les passants sur la place publique, prédisant aux Loths de
la cité ducale le sort de Sodome et Gomorrhe s'ils ne corrigeaient
pas les légèretés de leur existence.
Une croix très emblématique
Ce passé religieux, allié à la hauteur du promontoire,
fit naître l'idée, à la fin du XIXè siècle, d'ériger au sommet
du " pech " un calvaire monumental qui se verrait à des lieues
à la ronde.
A cette époque, la France catholique opère un systématique
travail de reconquête. Sapée par les ricanements sarcastiques
des philosophes des Lumières, persécutée pendant la période
révolutionnaire, régulièrement mise à mal lors des convulsions
qui secouent le société en 1830, puis en 1848, et encore lors
de la Commune en 1871, l'Église résiste, riposte, et s'impose
dans le paysage : construction de nombreux édifices religieux
(notamment sous l'impulsion du cardinal Donnet, archevêque
de Bordeaux), croix de mission, croix de carrefour, multiples
statues de la Vierge, etc. Le site du Pech-de Berre ne pouvait
que tenter la hiérarchie catholique. C'est d'ailleurs l'évêque
d'Agen, en inaugurant une statue de Notre-Dame des Champs
sur une colline surplombant Buzet, qui suggéra l'idée de cette
construction monumentale.
Nous sommes alors à quelques trois décennies de l'érection
de la Tour Eiffel, dont l'audace architecturale stupéfia le
monde. La hauteur, le gigantisme de la Dame de Fer dépassaient
tout ce qu'on avait pu construire jusque-là, y compris les
cathédrales qui détenaient pourtant les records de hauteurs
de tout ce que l'homme était en mesure d'édifier. Seul le
fer, plutôt que la pierre ou le bois putrescible, pouvait
être en mesure de dresser une croix aux dimensions hors normes.
La croix du Pech de Berre serait donc métallique, comme la
Tour Eiffel. Et elle mesurerait 18 mètres de hauteur. Pourquoi
ce chiffre, et non pas 20, qui eût constitué un chiffre rond
? Eh bien tout simplement parce que les pièces sorties des
usines sidérurgiques mesurent 6 mètres, ce qui est encore
la norme aujourd'hui. La croix serait donc formée d'un assemblage
de trois pièces en fer profilé.
Elle fut commandée par la paroisse aux ateliers Chalou, de
Bordeaux et dotée d'un Christ de fonte réalisé par la fonderie
Gasneau, en Moselle.
Une inauguration mémorable
L'inauguration eut lieu en 1897. En grande pompe. Un opuscule,
publié par le l'abbé Thézan, alors curé d'Aiguillon, témoigne
de la splendeur des festivités qui marquèrent durablement
les mémoires. Les journaux, non seulement la presse catholique,
mais aussi " le Journal de Lot-et Garonne ", principale publication
quotidienne du département, firent un large écho, non seulement
à la cérémonie, mais également à l'audace de la construction.
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Aujourd'hui encore le monument
a de quoi impressionner, et figure d'ailleurs parmi les attraits
touristiques de la région (grâce aussi, il est vrai, à son
site exceptionnel . De fait, avec ses 18 mètres de haut, hissée
sur un piédestal de pierres, la croix du Pech de Berre peut
figurer sans complexe dans un livre des records, rares étant
les édifices similaires, en Europe, qui ont l'audace de la
surpasser.
Alain PARAILLOUS
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