Le maréchal duc de Richelieu (1696 - 1788),
huile sur toile, École française du XVIIIe siècle
Musée des Beaux-Arts d'Agen
|
La comtesse du Barry en Flore (1743-1793)
huile sur toile
par François Hubert DROUAIS
Musée des Beaux-Arts d'Agen
|
Emmanuel-Armand de Vignerot (1720-1788)
duc d'Aiguillon
Portrait par d'Estrée et Callet
|
De Jeanne Bécu à
comtesse du Barry
Une fille vit le jour le 19 août 1743
à Vaucouleurs et fut déclarée Jeanne Bécu.
Sa mère, Anne Bécu s'était trouvée
enceinte d'un moine, frère Ange de Vaubernier, du couvent
des Picpus de Vaucouleurs où elle travaillait comme couturière.
Dans LA DU BARRY, Edmond et Jules de Goncourt reproduisent
l'acte de naissance de Jeanne Bécu la déclarant
fille naturelle : « Jeanne, fille naturelle d'Anne Béqus
dite Quantiny, est née le dix-neuvième août de l'an mil sept
cent quarante-trois, et a été baptisée le même jour; elle a
eu pour parain Joseph Demange et pour marraine Jeanne Birabin,
qui ont signé avec moi. Jeanne BIRABINE. L. GALON, Vicaire de
Vaucouleurs. Joseph DEMANGE ».
Après la naissance d'un autre enfant,
un garçon, Anne Bécu se réfugia à
Paris chez une sur ; elle épousa un domestique,
Nicolas Rançon. Le ménage entra au service d'un
financier, Billard-Dumouceaux, qui fit éduquer Jeanne
chez les Adoratrices du Sacré-Cur au couvent de
Sainte-Aure où elle resta neuf ans ; elle s'y montra
douée pour les arts et plus tard elle fut une amie des
écrivains, en particulier de Voltaire.
A quinze ans, à sa sortie du couvent son éblouissante
beauté faisait sensation et elle suscitait la convoitise
des hommes et même des dames partout où elle fut
engagée, comme apprentie chez le coiffeur Lametz, demoiselle
de compagnie d'une riche veuve Mme Delay de la Garde, demoiselle
de magasin chez le sieur Labille "marchand de modes"
... On l'appelait alors Mlle Lange, surnom en rapport avec son
géniteur, frère Ange et elle était aussi
connue sous le nom de Vaubernier ou Beauvarnier pour la même
raison.
Entre 1760 et 1763 on lui prête un nombre considérable
d'amants.
En 1763 elle va rencontrer une connaissance de son beau-père
Rançon, Jean-Baptiste du Barry dit "le Roué",
appartenant à une famille noble de la région de
Toulouse et deviendra sa maîtresse. En 1766 elle adopte
le nom de son amant peu jaloux et devient la comtesse du Barry.
Voici ses armoiries :

Cet intrigant, marié et père d'un garçon
avait quitté sa famille pour Paris où il exercait
le métier d'entremetteur qui le mettait en rapport avec
de hauts personnages de la noblesse et parmi eux le
maréchal de Richelieu.
Comment se fit le rapprochement
entre la du Barry et le duc d'Aiguillon
Le maréchal de Richelieu descendait
en ligne directe, au même titre que le duc d'Aiguillon
Emmanuel-Armand de Vignerod, de François
de Vignerod, neveu du cardinal de Richelieu. [voir
l'arbre
généalogique en tête de la page
consacrée à Madame de Combalet]
Le maréchal, débauché notoire eut une courte
passade avec Jeanne Beauvarnier pour la somme de cinquante louis
et c'est lui qui la rapprocha de son petit cousin Emmanuel-Armand
de Vignerod et de son épouse Louise-Félicité
de Bréhan-Plélo. Voilà comment
ces deux personnages "connurent" la du Barry bien
avant Louis XV.
Madame du Barry soutint toujours le duc d'Aiguillon tout le
long de sa carrière et lui resta fidèle après
sa disgrâce lorsqu'il fut exilé par Louis XVI et
Marie-Antoinette après la mort de Louis XV ; elle viendra
lui rendre visite plusieurs fois sur son lieu d'exil au château
d'Aiguillon : deux fois dès l'été et l'automne
1775 et au mois d'août 1782.
Comment la du Barry aida d'Aiguillon
dans sa carrière politique
Dans le conflit qui opposait d'Aiguillon aux
Parlements, elle fit pression sur Louis XV pour qu'il tranche
en faveur du duc. Celui-ci, pour la remercier lui offrit un
vis-à-vis [voiture de plaisance] magnifique entièrement
doré, avec sur les panneaux les armoiries de la comtesse
et sa devise "Boute en avant!", d'une valeur
de cinquante-deux mille livres, de quoi nourrir une province
pendant plusieurs mois. Elle ne s'en servit pas, le roi l'ayant
trouvé trop somptueux. Les chansonniers se déchaînèrent
:
"Pourquoi ce brillant vis-à-vis?
Est-ce le char d'une déesse
Ou de quelque jeune princesse?
S'écriait un badaud surpris.
-- Non (de la foule curieuse
Lui répond un caustique), non,
C'est le char de la blanchisseuse
de cet infâme d'Aiguillon."
Le 24 décembre 1770, elle fut certainement
à l'origine du renvoi et de l'exil de Choiseul car celui-ci
avait voulu dans un premier temps imposer sa sur, la duchesse
de Gramont comme favorite puis ensuite intrigué avec
l'Autriche et Marie-Antoinette pour que Louis XV devenu veuf
épouse une sur de la dauphine et ainsi se débarrasse
de sa favorite. Six mois plus tard, elle insista auprès
du roi pour qu'il nomme d'Aiguillon secrétaire d'Etat
aux Affaires étrangères. Un libelle courut dans
les salons :
Par elle on devient ministre.
C'est, sur son ordre sinistre,
Que d'Aiguillon tient registre
Des élus et des proscrits.
Le public indigné crie ;
Mais du roi l'âme avilie,
Sûre de son infamie,
Est insensible au mépris.
Comment la du Barry fut soutenue
par d'Aiguillon et son épouse après la mort de Louis
XV
Le mercredi 4 mai 1774, le roi atteint de la
petite vérole et mourant demanda à sa maîtresse
de quitter Versailles avant qu'il se confesse et reçoive
les derniers sacrements pour éviter la réprobation
des religieux ; il lui dit qu'Aiguillon était prévenu
et s'occuperait de son départ. A quatre heures de l'après-midi,
c'est son amie la duchesse d'Aiguillon qui la conduisit dans
sa voiture jusqu'à leur maison de campagne de Ruel. Le
10 mai, le roi était mort. Pendant environ un an, l'ancienne
favorite fut enfermée à l'abbaye de Pont-aux-Dames
selon un ordre signé de Louis XV la veille de sa mort,
au motif qu'elle avait le secret de l'Etat.
Autorisée à quitter l'abbaye à condition
de ne pas s'approcher à moins de dix lieues de Paris
où Versailles, le 9 avril 1775 elle acheta le château
de Saint-Vrain pour la somme de deux cent mille livres prêtées
par d'Aiguillon.
Le contrôleur général de finances, Calonne,
redevable de sa carrière à d'Aiguillon et pour
lui être agréable, accepta d'échanger la
pension annuelle de 50 000 livres que Louis XV avait attribuée
à la du Barry, en un capital de 1 250 000 livres ; elle
put ainsi rembourser sa dette à d'Aiguillon.
Comment la du Barry aida la duchesse
d'Aiguillon à émigrer
Le 10 janvier 1791, Madame du Barry, absente
pour une soirée de son château de Louveciennes,
avait été victime du cambriolage de ses bijoux,
d'une valeur de plusieurs millions de livres. Ils furent retrouvés
à Londres lorsque les voleurs tentèrent de les
vendre à un joailler, et mis sous séquestre par
la justice anglaise dans l'attente d'un procès. Pour
tenter de les récupérer elle entreprit plusieurs
voyages en Angleterre. Lors du quatrième voyage, le 14
octobre 1792, munie d'un passeport, elle se rend légalement
à Londres et pour permettre à la duchesse d'Aiguillon
d'émigrer, elle la fait passer pour sa camériste.
Cet épisode fera partie des multiples chefs d'accusation
lors de son procès qui la mena à la guillotine
le 8 décembre 1793.
***
Ce texte ne fait que survoler cette période
complexe de l'histoire de France et on ne saurait trop recommander
la lecture de l'ouvrage(1) du duc de Castries
pour mieux l'explorer en profondeur.
(1) Madame du Barry par le duc de Castries
chez Hachette, 1967
***
|